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de la joie que manifesta le Sauvage de Taïti, amené en France par M. de Bougainville, lorsqu'il reconnut dans le Jardin-du-Roi, à Paris, un arbre commun dans l'ile qui l'avoit vu naître. Ainsi, sur tous les points du globe, l'homme tient toujours à sa patrie.

Après une heure de repos, nous nous remîmes en route. Le chemin étoit assez bon; mais. comme on avoit négligé de réparer un pont placé sur un des torrents qui se jettent dans l'Aragvi, il fallut prendre un détour par une route très-difficile, où notre voiture faillit d'être brisée. Nous en fùmes quittes pour le timon qu'on raccommoda le mieux qu'on put avec des cordes.

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Avant d'arriver à Passanaour où l'on dîna, la vallée devient une gorge assez étroite, qui se prolonge en spirale sur une longueur de trois werstes, et s'élargit près de la forteresse. Nous trouvâmes à Passanaour un assez bon charron, qui, moyennant deux roubles, nous remit un timon neuf. C'est le premier charron que nous ayons rencontré depuis Vladi-Caucase.

Après le diner, nous nous promenâmes sur les bords de l'Aragvi. Cette rivière est poissonneuse. Un assez grand nombre de Géorgiens qui y pêchoient à la ligne prenoient fréquem

ment de très-belles truites. Lorsque le moment de la fonte des neiges est passé, et que la rivière a perdu de sa rapidité, on pêche au filet.

Ayant consommé tout le pain dont nous avions fait provision à Vladi-Caucase, nous fûmes réduits à acheter à Passanaour du pain de seigle très-noir que l'on fait pour les soldats. En revanche, nous trouvâmes d'assez bon vin de Géorgie, qu'on nous fit payer 15 copecs assignations (15 centimes) la bouteille.

Partis à deux heures de Passanaour, il en étoit six quand nous arrivâmes à la quarantaine d'Ananour, qui en est éloignée de vingt-trois

werstes.

En sortant de Passanaour, on entre dans une vallée étroite, qui se prolonge presque sans interuption jusqu'à la quarantaine d'Ananour. Dans toutes ces gorges, les voyageurs sont exposés à être enlevés par les montagnards, s'ils ne sont pas en nombre ou bien escortés. Sur cette route, on a continuellement à sa gauche. l'Aragvi, et à sa droite des montagnes très-élevées, presque toutes granitiques et schisteuses. Au moment de notre passage, la chute des eaux qui se précipitoient de toutes parts à la suite d'un orage violent que nous essuyâmes dans l'aprèsmidi, augmentoit le danger de notre position.

Cet orage avoit emporté deux ponts placés sur des torrents, que nous eûmes beaucoup de peine à traverser à gué. Enfin, après avoir échappé à tous ces périls, nous arrivâmes à la quarantaine d'Ananour.

Cette ville est située en travers de la route étroite que nous venions de parcourir. Cette position permet au gouvernement Russe de prendre les mesures convenables pour que les voyageurs qui viennent du Caucase ne puissent pénétrer en Géorgie sans avoir fait quarantaine. A gauche, un torrent rapide s'oppose à tout passage, et à droite, des soldats surveillent les montagnes, et augmentent ainsi les difficultés qu'elles opposent déjà par elles-mêmes à ceux qui voudroient les franchir. D'ailleurs, les peines sévères dont est menacé quiconque pénétreroit en Géorgie sans être muni de certificats de santé, préservent de ce côté cette province du danger de la peste qui règne fréquemment dans les montagnes, où elle est importée par les Turcs d'Anapa.

L'établissement de la quarantaine se compose d'abord de bâtiments extérieurs renfermés dans un enclos. On y loge les hommes de basse classe et soupçonnés de contagion. Ils sont sous la surveillance immédiate d'un corps-de-garde.

L'intérieur de la quarantaine est renfermé, sur la droite, par l'Arkala, qui se jette à très-peu de distance dans l'Aragvi; sur la gauche et aux deux extrémités, par des barrières de bois entourées de soldats qui empêchent de sortir et de communiquer au dehors. Dans cet intérieur, il y a sept maisons séparées les unes des autres, et composées chacune de deux ou trois chambres. On y voit aussi deux grands hangars pour les voitures et les logements des domestiques.

Lorsque la peste étend ses ravages dans les montagnes, les précautions sont sévères, et le séjour des voyageurs se prolonge. Lorsqu'elle ne s'y fait sentir que foiblement, on ne passe au lazaret que quatre jours. Nous n'eûmes qu'à nous louer de nos rapports avec l'inspecteur et le médecin de cet établissement. Un entrepreneur y fournit à très-bon compte tout ce dont on a besoin. Les vivres étoient de bonne qualité; le pain seul étoit noir et mauvais, comme tout celui que nous avions trouvé depuis VladiCaucase.

Dans un bâtiment isolé, placé au milieu de la quarantaine, on a établi un massif en maçonnerie de neuf pieds carrés, qui est garni d'un grand nombre de fourneaux à l'usage des

voya

geurs. Si les bâtiments d'Ananour sont com

modes pour y faire la quarantaine en été, il n'en est pas de même pour l'hiver, les fenêtres n'étant pas garnies de carreaux, et les chambres ayant rarement de porte. Il est vrai que cet établissement n'est que provisoire, l'intention du général en chef étant d'y faire construire une quarantaine nouvelle, dont le plan est trèsbeau, et dont la dépense s'élevera, dit-on, 120,000 roubles (1).

Ananour est une ville ancienne, construite à mi-côte sur le revers d'une haute montagne. Quoique citée parmi les villes principales de la Géorgie, elle ne renferme cependant qu'une quarantaine de maisons, indépendamment du château. Sa population s'élève à deux cents âmes. Presque toutes les demeures sont creusées en terre, selon l'usage de la Géorgie. On y voit une tour carrée bâtie en pierres avec beaucoup de solidité.

L'air est extrêmement sain à Ananour. Le médecin de la quarantaine m'a assuré que, depuis sept ans qu'il exerce sa profession dans cette ville, la mortalité annuelle n'a jamais été au-delà de trois personnes, et dans quelques

(1) Depuis trois ans cette quarantaine est achevée, et ne laisse rien à desirer pour la commodité des voyageurs et pour la surveillance.

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