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vironnants un très-grand nombre de Calmouks; ils possèdent beaucoup de chameaux, de chevaux, de bœufs, et de grands troupeaux de moutons de l'espèce nommée chamtouk. Comme les Tartares, ils s'engagent volontiers pour soigner les bestiaux, mais jamais pour le labourage. Ce peuple, originaire de la grande Tartarie, étoit autrefois extrêmement nombreux. Il compte parmi ses princes le fameux Gengiskan, et son petit-fils le grand Batou

kan.

Dans le seizième siècle, ces Tartares se nommoient d'Aidor, et se divisoient alors en plusieurs hordes. Les quatre plus grandes s'étant ensuite réunies, on donna le nom d'Éleutes, en mongol, et de Calmouks ou Calmaks, en tartare, qui signifie restés, à ceux qui ne voulurent pas s'y joindre. Ces Calmouks se divisèrent eux-mêmes ensuite en quatre hordes, dont l'une, sous la conduite d'un frère de Gengiskan, habita longtemps les environs du Thibet; une autre, qui erroit sur les frontières de la Chine, se rendit redoutable à cette puissance vers le milieu du dernier siècle. Les deux dernières s'avancèrent successivement vers l'Oural et sur les bords du Wolga, où elles vivoient sous la protection de la Russie. Leurs tribus nombreuses parcouroient

les immenses plaines qui s'étendent de l'Oural à la mer Caspienne et à la mer Noire.

Le 3 janvier 1781, sous la conduite d'Oubachi, régent pour les enfants en bas âge de ce fameux Dundone-Ombo, dont Manstein cite avec tant d'éloge les faits militaires, vingt-huit mille familles ou tentes (1) de Calmouks abandonnèrent le territoire de la Russie, où elles avoient éprouvé quelques vexations, et se réfugièrent dans les provinces de la Chine. Mais au lieu d'y trouver un sort heureux, les chefs en furent massacrés, et les sujets dispersés dans tout l'empire. Il ne restoit en 1806 que quarante mille Calmouks environ sur les deux rives du Wolga, et dans les plaines qui séparent la mer Caspienne de la mer Noire. Le nombre en est aujourd'hui beaucoup plus étendu. D'après le recensement qui a été fait en 1806, ils possédoient :

Cinquante-sept mille quatre cent soixantetrois chameaux;

Deux cent trente-un mille cent six chevaux;

(1) Chaque famille, parmi les Calmouks et les peuples nomades occupant une tente, lorsqu'on veut calculer la population, on dit indifféremment une tente ou une fa

Cent cinquante-sept mille cinq cent soixantedeux bœufs ou vaches;

Et sept cent trente-quatre mille deux cent cinquante-quatre moutons.

Les Calmouks suivent la religion Lamaïque; ils ont de l'esprit naturel, sont actifs et probes.

Les marchands de Moscou qui commercent avec la Chine, et qui connoissent l'intelligence des Calmouks, choisissent volontiers parmi eux des commis et des voituriers pour transporter leurs marchandises à Kiakhta. A Astrakhan, ils s'occupent beaucoup de pêche, et un grand nombre d'entr'eux sont engagés pour ce travail par les fermiers des princes Kourakin.

Dans la fabrique de tabac de Sarepta, presque tous les ouvriers étoient Calmouks. Une singularité de ce peuple, c'est qu'il est naturellement enclin à l'obéissance, comme d'autres le sont à vivre indépendants ou à dominer. Quand des Calmouks, loués pour travailler dans une ferme ou dans une manufacture, sont réunis, ils s'informent aussitôt quel est le plus âgé d'entr'eux, l'établissent le juge de leurs différends, et lui évitent les corvées; en voyage, ils le portent aussitôt qu'il se trouve fatigué. Un autre trait remarquable du caractère de ce peuple est sa générosité et l'affection mutuelle des individus les

uns pour les autres. Lorsque nous donnions des provisions, ou même un verre d'eau-de-vie à un Calmouk, il appeloit ceux de ses camarades qui étoient à portée, et il partageoit avec eux ce qu'il avoit reçu.

L'hospitalité, la bonté, la générosité forment le caractère distinctif de la plus grande partie des Calmouks, et ces vertus sont portées à l'excès. Il en est de même des vices, pour le petit nombre de ceux qui y sont enclins : aussi dit-on qu'un Calmouk est le meilleur ou le plus mauvais des serviteurs. Parmi leurs passions, la plus forte est le jeu. Ceux qui s'y livrent ne connoissent plus de frein: ils jouent leurs tentes, leurs chevaux, tout ce qu'ils possèdent, et finissent par jouer leur personne, en l'aliénant pour un certain nombre d'années.

J'ai eu occasion de me trouver assez souvent, pendant mon séjour à Astrakhan, avec le prince Toumin, frère du chef principal des Calmouks. Celui-ci a fait en France la campagne de 1814: il commandoit un régiment de cinq cents Calmouks, choisis parmi ceux qui avoient le plus d'aisance. Il n'en étoit aucun qui ne fût propriétaire de quelques chameaux, de trente à quarante chevaux, de cent à cent cinquante bœufs, et d'un grand nombre de moutons. Sur ces cinq

cents hommes qui se distinguèrent par leur courage et leur bonne discipline, deux cent quarantehuit furent tués. Le prince Toumin, leur colonel, eut sept chevaux tués sous lui, et ne reçut pas une blessure. Son séjour à Paris lui a donné le goût de tous les produits de notre industrie, dont il a reconnu l'utilité, ou qui font partie du luxe européen. Parmi les peuples nombreux que la guerre a conduits à Paris, il n'en est pas un seul qui, par l'effet de son contact avec les nations civilisées de l'Europe, n'ait contracté de nouveaux goûts, de nouveaux besoins; ainsi, peu à peu, des éléments de commerce, des relations entre les peuples de l'Europe et de l'Asie s'établissent dans leur intérêt mutuel.

Lorsque le prince Toumin arriva sur ses terres, dont il étoit éloigné depuis deux ans, sa femme, ses enfants, ses serviteurs, tous, par leur malpropreté, lui paroissoient un objet de dégoût; il ne pouvoit, en sortant de Paris, se faire aux habitudes, aux usages de sa nation. Il vouloit tout réformer. On n'opposa nulle résistance, on se résigna à sa volonté; mais peu à peu le régime intérieur de son habitation fut rétabli sur l'ancien pied!

J'ai regretté de ne pas avoir accepté la proposition que m'avoit faite M. le comte d'Orfingo,

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