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bent, et de l'autre jusqu'à Bakou. Toutes les reconnoissances de cette nouvelle route ont été faites. Ainsi Moucravane pourra un jour participer au riche commerce qui peut s'ouvrir entre les deux mers et ses habitants, et les Lesghis eux-mêmes pourront trouver de l'occupation dans le transport des vins et des autres marchandises qui proviendront de la Kakétie, ou qui traverseront cette province.

On voit avec satisfaction des bâtiments solides remplacer successivement les tentes et les barraques qui servoient de logement aux grenadiers de Géorgie. Les maçons, les charpentiers, les serruriers et les peintres employés à ces constructions sont des soldats qui, pour leur travail, reçoivent une haute-paie de 10 copecs (2 sous) par jour. Ils coupent les bois dans les montagnes voisines; les pierres se trouvent sur les lieux; ils font eux-mêmes les briques et la chaux, et comme le colonel leur livre le fer à ses frais, les déboursés en argent pour cette nouvelle ville ne sont que d'une foible importance.

Dans le régiment, non-seulement on trouve des ouvriers de tous les métiers, dont le travail n'exige qu'une intelligence bornée; mais nous y avons vu un atelier de carrossier complet, et, ce qui est plus remarquable, une fabrique de

schakos, et une autre pour toutes sortes d'instruments de musique.

On conçoit combien cette organisation des soldats Russes facilite les conquêtes dans les pays où, comme en Asie, il est nécessaire de fonder de nouvelles villes pour maitriser et contenir des peuples nombreux nouvellement soumis. Cette organisation devoit être celle des armées commandées par Alexandre. Elle nous explique comment, dans les deux années qui suivirent l'invasion de ce conquérant en Asie, il fonda plus de quarante villes, auxquelles il donna son nom; elle devoit être aussi celle des armées romaines.

Il est impossible d'être accueilli avec plus d'amitié que nous le fûmes par M. le colonel Yermoloff. Selon l'usage des colonels Russes dans les provinces au-delà du Caucase, tous ses officiers mangeoient à sa table, et cette noble hospitalité n'éprouve pas même d'interruption lorsqu'il est absent.

Le lieutenant-colonel de son régiment, M. de Schwetschoff, fut enlevé, il y a trois ans, par les montagnards du Daghestan, près de Kasiourte, sur le chemin de Derbent à Kislaer. Les deux cosaques qui formoient son escorte ayant été tués, cet officier fut obligé de céder

au nombre, après avoir mis hors de combat deux de ces brigands. On exigeoit 30,000 roub. d'argent pour son rachat (120,000 fr.). Il étoit pauvre; un de ses amis annonça dans les papiers publics sa captivité, et quelques mois suffirent pour remplir une souscription qui acquitta sa rançon. Plus tard, de dures représailles firent restituer cette somme, et beaucoup au-delà (1).

Les officiers qui sont campés à Moucravane s'occupent beaucoup de chasse, et ont fourni au colonel les moyens de commencer une ménagerie. Déjà on y voit un ours, des chamois, des gerames, des renards et des chacals.

Lorsque nous étions à Moucravane, nous y vîmes arriver un détachement de. deux cents hommes d'un des régiments qui, pendant deux ans, sont restés en France : ils devoient être incorporés au régiment des grenadiers de Géorgie. Les soldats étoient surpris de retrouver des Français à une si grande distance des cantonnements de Maubeuge, qu'il venoient de quitter.

L'après-midi, nous allâmes, avec le colonel, visiter les ruines d'une ancienne église taillée

(1) M. de Schwetschoff étoit un officier distingué et généralement aimé. Il a été nommé, en 1821, colonel d'un régiment sur la ligne, et est mort peu après. Il réunissoit beaucoup de gaîté à une grande bravoure.

dans le roc, et qui sert aujourd'hui de magasin à poudre. Elle est évidemment de la plus haute antiquité, comme plusieurs autres églises en ruines, qu'on trouve dans le pays occupé par les Lesghis.

Nous partîmes de Moucravane le lundi de bonne heure. Le colonel et le lieutenant-colonel nous accompagnèrent jusqu'au village de Catchema, bâti sur la rive gauche de l'Iori, qui se jette dans l'Alazan, non loin de son embouchure dans le Kour. L'Iori est plutôt un torrent qu'une rivière; il entraîne une immense quantité de pierres; et comme il change de lit à chaque moment, selon la direction des orages et l'écoulement des eaux qui en est la suite, ces pierres couvrent la vallée entière.

Le village de Catchema est peu considérable; les terres qui l'environnent sont médiocres : d'ailleurs, la sécheresse excessive de l'été avoit contribué à leur stérilité.

- Le colonel avoit eu la bonté de nous prêter six chevaux pour notre excursion dans la Kakétie, et le service qu'il nous rendoit étoit d'autant plus important, qu'une grande partie de notre voyage devoit avoir lieu sur des routes de

traverse.

Nous mêmes quatre heures pour parcourir les

dix-huit werstes de Moucravane à l'établissement des écuries du régiment des grenadiers de Géorgie. Ici, le pays est beaucoup meilleur, et les fourrages sont plus abondants. On y place, à l'époque des grandes sécheresses, les chevaux du colonel et une partie de ceux qui appartiennent au régiment. Nous nous y arrêtâmes deux heures pour faire rafraîchir nos chevaux et pour dîner, et nous vinmes coucher au poste cosaque de Dampali, qui en est à trente-sept werstes. Entre ces deux points, on trouve un autre poste cosaque, où nous changeâmes notre

escorte.

Le poste de Dampali, comme presque tous ceux que les cosaques occupent dans la Géorgie et dans les autres provinces au-delà du Caucase, n'est qu'un enclos entouré de palissades et de fossés, auquel on donne le nom de fort. Ces enclos renferment ordinairement trois ou quatre barraques l'une pour loger l'officier, et les autres pour les simples cosaques et les voyageurs. On y trouve aussi des écuries en clayon

nage.

Un cosaque nous y vendit, pour 1 rouble 50 copecs (1 fr. 50 cent.), une douzaine de petits faisans un peu plus gros que des cailles. Il venoit de les prendre, de les tuer et de les

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