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avoit destiné l'emplacement qui sert à presser et à conserver le vin. Il étoit environné de murailles de trois côtés, et entièrement ouvert au nord.

Le toit étoit en planches; ce hangar avoit environ six toises de longueur et quatre de largeur. Le fond en étoit occupé par une grande auge en pierre, dans laquelle on presse le raisin; on fait ensuite couler le vin dans de grandes jarres maçonnées dans la terre, et placées dans ce hangar à peu de distance les unes des autres. On y conserve le vin pendant plusieurs années; mais n'ayant pas subi une fermentation convenable, il est sujet à s'aigrir, lorsqu'on le retire des jarres pour le verser dans des outres.

Vachery est situé à mi-côte, au milieu d'une forêt d'arbres fruitiers magnifiques. Les terres qui l'entourent sont extrêmement fertiles: elles étoient couvertes de très-beau blé, et surtout de vignes d'une grosseur remarquable. Les noyers et les figuiers y sont de la plus grande beauté : ces derniers arbres avoient des feuilles de plus d'un pied de longueur sur dix pouces de largeur. On en recueille deux fois le fruit, en juillet et en octobre : les fruits de la dernières récolte sont les meilleurs.

Le maire eut pour nous beaucoup d'atten

tions il nous procura pour

notre souper des

haricots rouges, des œufs et des poules. Ici, comme dans tous les villages de la Géorgie, le pain étoit très-mauvais : on y suit encore pour le faire la méthode usitée en Asie de temps immémorial.

Les fours sont construits dans la terre même: ce sont des puits de cinq à six pieds de diamètre et de cinq pieds de profondeur, bâtis en pierre et en chaux. Le feu est placé au milieu, et lorsque le four est échauffé, on en retire le charbon et les cendres. L'homme qui fait le pain a auprès de lui une planche et un baquet rempli de farine; il en prend deux ou trois poignées qu'il mouille avec un peu d'eau, et qu'il pétrit sur la planche, de manière à lui donner quelque consistance. Il jette ensuite cette pâte informe contre les parois du four, où il l'étend et l'aplatit à peu près comme nos maçons étendent le mortier contre les murs. Il en remplit successivement tout l'intérieur, et recouvre le four avec des planches. Au bout de quinze ou vingt minutes, il retire de mauvaises galettes, qui servent en même temps d'assiettes et de pain. Le levain n'est point en usage dans cette contrée. Nous dormimes assez bien sous ce hangar, quoique nous fussions souvent tourmentés de

la crainte d'être assaillis par les phalanges, espèce d'araignée énorme assez commune dans les vieux bâtimens de Tiflis et dans une partie de la Géorgie.

La phalange a quelque chose de dégoûtant, et on peut même dire d'effrayant au premier aspect: son corps est gros comme le pouce, et monté sur des pattes assez courtes. Cet insecte est très-agile; son cou est allongé; sa bouche est armée de dents, qui lui servent à saisir sa proie avec un sentiment de fureur inexprimable.

On nous avoit envoyé, par curiosité, deux phalanges dans des vases séparés; nous les mêmes toutes deux dans le même bocal : aussitôt elles se précipitèrent l'une sur l'autre et se saisirent réciproquement par la bouche. Dans cette situation, qui ne pouvoit avoir une issue dangereuse, elles restèrent attachées, la plus forte traînant de temps en temps la plus foible, qui ne lâchoit pas prise; mais à la fin, de guerre-lasse, la plus petite, fuyant son ennemie, monta avec une rapidité extraordinaire le long des parois glissants du bocal. Un mouvement que nous donnames au verre la fit retomber; la plus grosse vint immédiatement à elle, et cette fois, la saisissant sous le cou, et se mettant ainsi hors de ses atteintes, en moins de cinq minutes elle lui

détacha la tête du corps, en la faisant expirer au milieu d'affreuses convulsions. Elle se jeta alors sur sa victime, qu'elle dévora en un instant avec la plus grande voracité.

On s'amuse quelquefois à mettre en présence un scorpion et une phalange. Le combat est acharné; presque toujours la phalange reste victorieuse; mais son succès lui coûte souvent cher, car si elle est piquée dans le combat par le scorpion, elle meurt d'ordinaire une demi-heure après. Ces phalanges sont assez communes en Perse. Lorsqu'elles tombent sur quelqu'un, on doit avoir assez de sang-froid pour ne faire aucun mouvement, de crainte que l'insecte irrité ne morde. Du reste, sa morsure, dangereuse si on n'y porte immédiatement remède, n'offre aucun péril, lorsque, dans le quart-d'heure qui suit, on frotte pendant long-temps la partie blessée avec un corps gras, et surtout avec de l'huile dont beaucoup de Géorgiens ont toujours une petite fiole sur eux.

Outre les phalanges et les scorpions, on trouve en Géorgie des mille-pieds, des tarentules et des serpens dont la piqûre est plus ou moins venimeuse.

Le maréchal de la noblesse et son interprète continuoient à voyager avec nous, obligeance à

laquelle nous fùmes redevables de toutes les facilités et de la sûreté que nous pouvions desirer.

Partis de Vachery à sept heures du matin, nous vinmes diner à un très-beau village à micôte, situé à trois werstes de Mokozange. On nous logea, comme la veille, sous un grand péristyle, où on avoit étendu des tapis et des coussins. Le maire, quelques nobles du voisinage et le maréchal dinèrent avec nous; mais, comme nous étions encore dans le carême grec, qui se termine le jour de la Saint-Pierre, ils refusèrent de manger des mets qu'on nous avoit préparés, et se contentèrent de poisson sec et salé qui provient des pêches de Bakou.

Nous bûmes à la géorgienne dans de grandes cuillères à soupe d'argent, nommées hazarpeches, qu'on passe successivement à chacun des convives. Le vin étoit bon: comme ceux de Médoc, avec lesquels il a beaucoup de rapport, il ne porte pas à la tête.

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A quelques werstes du village de Mokozange que nous traversâmes peu après notre diner, nous primes congé du maréchal, et nous continuâmes notre route dans des forêts où le chêne dominoit, et où l'on voyoit aussi de très-beaux érables, des sycomores, des peupliers, des trem

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