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bles, des noyers des charmes, et de très-beaux frênes.

Il étoit huit heures lorsque nous arrivâmes au château du prince de Tchiftchivadze, pour qui nous avions des lettres de recommandation du général en chef. Ce riche propriétaire nous accueillit avec la plus grande cordialité. Envoyé très-jeune à Pétersbourg, où son père se trouvoit comme ôtage, il a reçu une très-bonne éducation, et il ne peut manquer, par son exemple, de contribuer puissamment aux progrès de la civilisation de la Géorgie. Déjà son château, qu'il achève dans ce moment, est une véritable merveille dans un pays où la plupart des habitations sont bâties en argile, et souvent sous terre. La distribution intérieure est celle des châteaux de l'Europe. L'architecture extérieure est adaptée aux climats de l'Asie. Dans un pays où, pendant trois mois, la chaleur est presque insupportable, il étoit sage de ne pas se priver de ces larges galeries couvertes et extérieures qui longent le rez-de-chaussée et le premier étage, et où l'on est dans l'usage de coucher pour que la fraîcheur de la nuit contribue à procurer le sommeil,

Les cours qui entourent le château sont vastes; le jardin est dans une position admirable,

et une plaine de près de trente arpens, qui s'élève en pente douce derrière le mur de clôture jusqu'au pied d'une montagne, permettra au prince de réaliser son projet de faire un jardin anglais, dont le dessin sera favorisé par la na

ture du terrain.

La mère du prince Tchiftchivadze est une femme de beaucoup de mérite: elle est de la famille des princes Andronic, qui, établis en Géorgie depuis trois siècles, et venus de Constantinople, ont la prétention de descendre de l'empereur grec de ce nom. La jeune princesse Tchiftchivadze est de la famille des princes Orbelianoff, maison de la plus haute antiquité; il est même bien difficile qu'aucune autre puisse lutter avec elle sur ce point, s'il est vrai, comme on le voit dans les Mémoires sur l'Arménie, par M. de Saint-Martin, qu'ils sont de la race des rois de la Chine, et que leurs ancêtres arrivèrent en Géorgie un siècle avant l'invasion de la Perse par Alexandre, roi de Macédoine.

Le prince Tchiftchivadze est colonel à la suite du régiment des dragons Nijninovogorod. Il avoit autrefois le même grade dans les gardes de l'empereur de Russie; mais le desir de revoir sa patrie dont il étoit éloigné depuis longtemps, et d'administrer lui-même ses terres,

l'a déterminé à demander son changement.

Ses domaines sont très-étendus. Les deux principaux sont celui de Tchenedaly et celui de Mokozange, tous deux célèbres pour la qualité de leurs vins, qui tiennent le premier rang parmi ceux de la Géorgie. Vient ensuite le vignoble de Condol, appartenant au gouvernement, dépendant également du district de Telaw, et enfin les vignobles du prince Jean Apkasow.

Le prince nous fit goûter de ses vins de trois et huit ans : ils étoient de bonne qualité, et n'avoient pas, comme un grand nombre de vins de la Géorgie, le défaut d'être un peu acides.

Le vin ordinaire vaut dans le pays à peine I abaze (80 cent. ) la tounga (six bouteilles et demie de Bordeaux); c'est même le prix auquel les marchands de Tiflis et des autres villes le vendent, après y avoir ajouté les frais de transport et leur bénéfice.

On ne se sert en Géorgie ni de barriques ni de bouteilles : tout le vin se transporte dans des outres. On emploie à cet usage cinq sortes de peaux, savoir: celles de buffle, de bœuf, de cochon, de bouc et de chèvre. Les trois premières sont les plus convenables, et le goût qu'elles laissent au vin est moins désagréable

que celui que leur donne la peau de chèvre et de bouc, généralement employée en Espagne, en Portugal et dans les Calabres. Ces peaux ont le poil en dedans, et sont entièrement enduites de naphte. Cette substance donne un mauvais goût au vin, mais on prétend qu'elle contribue à sa conservation.

L'ouvrage de M. le comte Chaptal sur la culture de la vigne et l'art de fabriquer les vins, a déjà pénétré dans ces contrées, et sans doute produira un jour de l'amélioration dans le vin de la Géorgie. Ce savant considère l'Ibérie, aujourd'hui la Géorgie, voisine du mont Ararat, comme le pays où la vigne fut d'abord cultivée. D'après cette observation, on est étonné du peu de progrès qu'a fait dans cette contrée la fabrication du vin.

Le prince Tchiftchivadze s'occupe avec beaucoup de soin de tout ce qui tient à la culture de la vigne et à la fabrication de ses vins : c'est sur cette production que repose son principal revenu. Dans les bonnes années, comme l'année actuelle (1820), il peut récolter dans ses divers vignobles jusqu'à trente mille toungas de vin. Il récolte aussi du blé, et, à l'exemple des Lesghis leurs voisins, ses vassaux, au nombre d'environ quinze cents, commencent à s'adonner avec

succès, à la culture du mûrier et à l'éducation des vers à soie.

Les deux princesses s'occupent beaucoup à la campagne de la récolte de la soie; elles la font filer sous leurs yeux; elles transforment, par une lessive, ces soies grossières en soies fines, moelleuses et brillantes; elles en obtiennent des organsins, les teignent en diverses couleurs, et en fabriquent de jolies étoffes. Le ministre de l'intérieur, peu de temps avant mon départ de Paris, m'ayant engagé à prendre des renseignements sur les procédés en usage parmi les Orientaux pour la teinture de la soie, j'ai été assez heureux pour obtenir à ce sujet quelques détails de la princesse Tchiftchivadze elle-même. Je les ai adressés en France, et ils ont paru assez intéressants pour qu'on m'ait engagé à continuer ces recherches dans l'intérêt de nos fabriques.

Les terres du prince sont cultivées par ses vassaux et par quelques Immirétiens. Les premiers sont tenus à un jour de travail par semaine pour leur maître. Les cinq autres jours sont employés pour eux-mêmes sur des terres que le prince leur donne à loyer, et dont le septième du produit lui revient. Ces deux espèces de contributions équivalent à la contribution des serfs

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