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de vénération et de respect : il voyage sans cesse pour distribuer les secours spirituels aux Polonais disséminés dans les divers cantonnements, et se livre à des jeûnes et à des macérations qui altèrent sa santé. L'autre est le P. Henri, né à Namur. Le major Johnson, qui a passé à Mozdok en 1817, en venant de l'Inde, rend une éclatante justice au courage héroïque de ce religieux qui, pendant la peste de 1812, affronta tous les dangers pour porter aux pestiférés les secours de la religion et ceux de la médecine. Lorsque la crainte avoit glacé tous les cœurs, et que, selon l'usage presque général dans l'Asie, un homme attaqué de la contagion avoit été abandonné par ses parents et ses amis, le P. Henri seul, ne craignoit pas de s'approcher de lui, et ses soins s'étendoient jusque sur ceux que la mort avoit frappés. Pour éviter au pays le danger de voir augmenter la contagion par l'abandon des cadavres, il les enterroit luimême ou veilloit à leur inhumation.

M. Klaproth, qui voyagea dans cette contrée en 1807 et 1808, donne une preuve évidente de la facilité avec laquelle le P. Henri avoit appris l'arménien, en racontant qu'au bout de neuf mois de séjour à Mozdok, ce religieux étoit en état de prêcher dans cette langue. De

puis ce temps, afin d'exécuter son projet de ramener les peuples du Caucase au christianisme, il a étudié le kabardien, l'ossétien, et quelques autres idiomes en usage dans le Caucase. N'ayant pas été appuyé dans ses vues, et ayant même reçu la défense de pénétrer dans les montagnes, il a renoncé à cette étude, et j'ai même lieu de croire qu'il a brûlé, comme inutiles, des matériaux précieux pour les philologues.

Le P. Henri a su tellement exciter le zèle et la générosité de ses ouailles, et même des officiers Russes, qu'il a fait bâtir à Mozdok une église surmontée d'un dôme : c'est une construction merveilleuse pour le pays. Il a aussi fait élever dans son enclos un bâtiment assez vaste pour y loger les voyageurs qui vont en Géorgie. Ordinairement ils font ménage commun avec les Pères. En partant, ils ne sont assujétis à aucune rétribution; mais on ne refuse pas les témoignages de leur libéralité.

Pendant que nous étions à Mozdok, les deux majors Anglais, Lindsey et Mackintosh, y arrivèrent. Ils venoient de Tauris, et avoient traversé le Caucase. Le premier, officier d'artillerie, au service du prince Abbas-Mirza, avoit formé à Tauris une école d'artilleurs. Le prince

lui avoit fait présent d'une Géorgienne prise dans son harem, et il en avoit eu trois enfants. Deux étoient restés avec la mère, et il emmenoit avec lui le troisième (1). Il retournoit en Angleterre pour la succession d'un de ses oncles de la famille illustre de Béthune, et en devoit prendre le nom.

Le major Mackintosh est un officier d'infanterie très-distingué. On prétend qu'étant monté le premier à l'assaut de Séringapatam, son ardeur excessive mécontenta un officier supérieur, et qu'à la suite d'une affaire d'honneur, il fut obligé de quitter le service de la compagnie, et entra à celui d'Abbas-Mirza. Il fut chargé par ce prince d'exercer l'infanterie persane selon la tactique européenne.

(1) J'ai logé à Tiflis dans la même maison que cette Géorgienne; elle étoit belle, et paroissoit fort attachée au major Lindsey. Au moment où je la vis, elle avoit à déplorer l'éloignement de son amant et la mort de sa mère. Emmenée par les Persans en 1795, elle fut élevée dans le harem de Feth-Ali-Châh, et transportée ensuite dans celui du prince héréditaire. Revenue à Tiflis avec le major Lindsey, elle s'informe de la demeure de sa mère, dont le souvenir n'étoit pas sorti de sa mémoire, et se présente chez elle sans précaution: la mère expire de joie en retrouvant une fille chérie, dont, depuis long-temps, elle pleuroit la perte.

M. Lindsey et M. Mackintosh étoient prévenants et affables trois jours suffirent pour établir entre nous une sorte d'intimité. Le major Mackintosh qui dessine très-bien, me fit voir deux vues du Caucase, et des costumes des divers peuples qu'il avoit visités dans ses voyages. Ces deux Anglais avoient passé à Persépolis, et ne parloient qu'avec admiration de ses magnifiques ruines. Ils m'ont donné quelques fragments de la pierre qui avoit servi à ces constructions: c'est un basalte qui prend le plus beau poli.

la

Ils avoient avec eux divers modèles des unifórmes adoptés par l'armée Persane. Le drap bleu de l'habit, l'écarlate des parements, doublure, les boutons, tout sortoit des fabriques de l'Angleterre; enfin les habits mêmes arrivent tout faits par Bender-Boucher, port sur le golfe Persique.

Chez cette nation industrieuse, les relations extérieures, les voyages, les mesures administratives, toutes les actions, toutes les pensées, et jusqu'à la philanthropie, sont dirigés vers le commerce, véritable source de sa puissance.

J'étois arrivé à Mozdok avec une calèche trop lourde pour les mauvais chemins du Caucase; le major Lindsey m'engagea à la lui céder, et je me

trouvai très-bien du conseil qu'il me donna de ne me servir que des voitures du pays. Pour aller à Tiflis avec un britchka (1) et un pavosque (petite charrette à roues basses), nous avions besoin de huit cheyaux; nous payâmes, par accord particulier, 76 roubles 80 copecs pour nous conduire jusqu'à Vladi-Caucase, à quatrevingt-dix werstes de Mozdok.

M. Moro, négociant d'Odessa, M. Guibal, interprète pour le russe, et moi, nous étions placés dans le britchka. Mon fils et un jeune Géorgien, interprète pour les langues orientales, occupoient le pavosque où se trouvoit aussi une partie de nos bagages.

Le samedi 15-27 mai 1820, jour indiqué pour notre départ, le général d'artillerie Merlini, dont j'avois fait la connoissance à mon passage à Georgievsk, arriva à Mozdok : il alloit inspecter les postes jusqu'à Koby. Nous lui avons beaucoup d'obligations pour les services qu'il nous a rendus pendant notre voyage.

Le convoi, qui part ordinairement dans la matinée du samedi de chaque semaine, ne put

(1) Moscou et Pétersbourg sont les deux villes les plus renommées pour la construction des britchkas. Ces voitures se paient de 800 à 1,000 roubles, ou 1,000 fr.: on y peut placer tout ce qui est nécessaire pour les longs voyages.

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