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position de la Flotte Combinée. Le voisinage de l'ennemi engagea Í'Amiral Villeneuve à prendre quelques précautions; en conséquence il signala de former une ligne de bataille sans égard au poste, et de se préparer au combat. Ce dernier signal n'était pas absolument nécessaire; car une flotte, en sortant du port, et surtout d'un port gardé par une flotte ennemie, doit être en branle-bas de combat, jusqu'à ce qu'elle ait gagné le large.

"Toute la nuit, la flotte demeura assez bien ralliée, et chacun se tint sur ses gardes. Au point du jour, le 21, le vent soufflait faiblement de l'O.N.O.; la mer était houleuse : l'ennemi parut au vent à quatre ou cinq lieues de distance, au nombre de plus de trente voiles. L'Amiral fit alors le signal de former l'ordre de bataille naturel tribord amures, ce qui dirigeait la route de la flotte au S.O. D'après ce signal, toute la flotte était rangée sur une seule ligne; les deux divisions du corps de réserve, dont nous avons parlé plus haut, marchaient en tête, et les trois escadres de bataille suivaient, dans l'ordre prescrit par la tactique navale la seconde en avant, la première au centre, et la troisième en arrière de celle-ci. La séparation de la flotte en deux corps n'avait été faite par Villeneuve que pour le cas où il se trouverait au vent d'un ennemi inférieur en force; dans celui-ci, où l'ennemi était au vent et en nombre à peu près égal à la Flotte Combinée, il crut devoir ranger ses vaisseaux comme il l'avait indiqué dans la circulaire dont nous avons donné des extraits, c'est-à-dire sur une ligne de bataille bien serrée. La flotte ennemie, au contraire, se sépara en deux portions, et s'avança ainsi, toutes voiles dehors, vers la Flotte Combinée. A huit heures, la force de l'ennemi fut reconnue être de vingt-sept vaisseaux de ligne, dont sept à trois ponts, quatre frégates et quelques bâtimens légers. Un quart d'heure après, l'Amiral Villeneuve fit virer la flotte tout à la fois, lof pour lof (vent arrière): par ce mouvement, l'ordre de bataille se trouva renversé, de manière que le chef de file de la ligne en devint le serre-file, et réciproquement, et la route se trouva dirigée vers le Nord.

"En ordonnant cette évolution, Villeneuve paraît avoir eu pour but de se conserver le port de Cadix sous le vent, afin de pouvoir s'y réfugier en cas de malheur. En effet, la Flotte Combinée, au moment où elle vira de bord, se trouvait à environ huit lieues dans la direction E. et O. du Cap Trafalgar, par conséquent à huit ou neuf lieues dans le S.S.O. de Cadix, et, en gouvernant au N., elle devait se conserver ce port ouvert. Le virement de bord exécuté, la ligne Franco-Espagnole, quoique très-serrée, se trouva mal formée ; la faiblesse de la brise ne permettait de la rectifier parfaitement qu'en arrivant sur les vaisseaux le plus sous le vent; l'Amiral, au contraire, fit signal au chef de file de serrer le vent, et, ce mouvement, imité successivement par toute la ligne, ôta aux vaisseaux affalés le moyen d'atteindre leur poste. La flotte Anglaise venait presque vent arrière, et non-seulement cette allure par elle-même, mais encore la plus grande quantité de voiles qu'elle pouvait porter, lui faisaient faire assez de sillage pour se ranger facilement dans un ordre quelconque. Elle rectifia celui dans lequel d'abord elle s'était formée, et continua de s'avancer vers la Flotte Combinée en

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deux colonnes qui paraissaient se diriger sur le centre de la ligne Franco-Espagnole.

"Cette manière inusitée de se présenter au combat avait été choisie par Nelson pour éviter le retard que met toujours une flotte nombreuse à se former en ligne de bataille, et par d'autres motifs détaillés dans son ordre général du 10 Octobre, adressé aux capitaines des vaisseaux de sa flotte. Cet ordre est considéré comme un chef-d'œuvre par les marins éclairés. On y lit la défaite presque inévitable de toute flotte qui n'opposera à cette attaque d'un genre nouveau que les moyens de défense ordinaires. En considérant l'état de la science navale à cette époque, on ne peut guère s'empêcher de penser avec les Anglais, que cette attaque était irrésistible, du moins en se conformant aux règles de la tactique. Que devait-il donc arriver, si, par impéritie, indécision, ou toute autre cause, on négligeait ou l'on tardait d'employer à la défense commune les ressources insuffisantes qu'offrait la tactique?

"Conformément aux dispositions principales de son ordre du 10 Octobre, Nelson avait, ainsi que nous venons de le dire, rangé sa Flotte en deux colonnes; mais il n'avait pas formé d'escadre avancée. Il se réserva le commandement de la première colonne, qui était composée de douze vaisseaux, et donna celui de la seconde, forte de quinze vaisseaux, au Vice-Amiral Collingwood. Pendant qu'il dirigeait sa Flotte ainsi formée sur le centre de la ligne de bataille de la Flotte Combinée, il faisait parcourir ses deux colonnes par frégates chargées de faire connaître aux Capitaines des vaisseaux Anglais ses dernières intentions. Lorsqu'il fut assuré qu'elles étaient bien comprises de tous les Capitaines, il adressa aux équipages (à l'aide du télégraphe naval) ces paroles mémorables: 'L'Angleterre compte que chacun fera son devoir!' Ce signal fut accueilli dans la Flotte Britannique par des acclamations universelles et tous les signes du plus vif enthousiasme : officiers et matelots entendirent la voix de la patrie, et tous s'apprêtèrent à combattre comme si les regards de leurs concitoyens eussent été fixés sur eux.

"La même ardeur animait les équipages de la Flotte Combinée, les officiers et matelots Français surtout; mais si le moyen employé par Nelson manquait à Villeneuve pour la faire éclater, elle n'en était pas moins réelle. La vue de l'ennemi avait fait tout oublier à

ces braves marins, et le fâcheux résultat du combat du 22 Juillet, et les préventions défavorables dont il les avait armés contre leur chef:

1 "Quand on compare l'instruction de Villeneuve, dont nous avons cité plus haut les passages les plus saillans, avec l'ordre ci-dessus de Nelson, que de réflexions se présentent à l'esprit? Nous n'en hasarderons qu'une ici. Suivant l'Amiral Anglais, placer son vaisseau par le travers d'un vaisseau ennemi,' est le moins que puisse faire un capitaine; quant à Villeneuve, c'est tout ce qu'il en exigeait : la différence est grande."

"Il est utile de faire voir qu'en cela Nelson ne manqua pas, comme on pour. rait le croire, de suivre le plan qu'il avait formé d'avance. En effet, s'il ne s'avança que sur deux colonnes, et s'il fit la seconde plus forte que la première, c'est qu'il s'aperçut que le vaisseau de Villeneuve n'était pas placé au centre de sa ligne de bataille, et que cette ligne présentait un plus grand nombre de vaisseaux dans la partie sur laquelle devait être dirigée l'attaque de la colonne commandée par l'Amiral Collingwood."

ils brûlaient de signaler leur intrépidité et leur dévouement à leur pays, et l'on verra, dans la suite de notre récit, de quels héroïques efforts furent capables des hommes qu'une foule de circonstances pouvaient avoir découragés. Telles étaient les dispositions morales des deux Flottes aux approches du terrible combat qui allait s'engager. La faiblesse de la brise en retardait l'instant, et, à onze heures, la Flotte Anglaise, malgré toutes les voiles dont ses vaisseaux › étaient couverts, n'était pas encore arrivée à portée de canon de la ligne Franco-Espagnole.

"Nous avons dit que cette ligne était mal formée. L'espace compris entre le Neptuno et le Bucentaure n'était pas suffisant pour les dix vaisseaux qui devaient s'y placer; quelques uns se doublaient; d'autres se trouvaient sous le vent de leur poste, qui demeurait vide sans qu'ils pussent s'y placer. Le Duguay-Trouin était dans ce dernier cas, ainsi que les deux vaisseaux le SanFrancisco de Assis et le San-Augustino. Le Héros, la SantissimaTrinidad et le Bucentaure étaient parfaitement formés; le Neptune, matelot d'arrière du vaisseau amiral dans l'ordre de bataille renversé, était sous le vent de son poste; le San-Leandro, placé alors dans les eaux du Neptune, était également hors de la ligne. Le Redoutable était exactement à son poste, qu'il ne devait abandonner bientôt que pour en prendre un à la fois plus honorable et plus périlleux; en arrière de ce vaisseau, il existait un grand vide; le San-Justo et l'Indomptable, qui devaient le remplir, étaient nonseulement acculés, mais un peu sous le vent de la ligne. Depuis la Santa-Anna jusques et compris l'Argonaute, l'ordre était assez bien établi; le Montagnès et l'Argonauta se trouvaient sous le vent de leur poste; le reste des vaisseaux, quoiqu'un peu sous le vent aussi, présentait une ligne régulièrement formée, à l'exception de l'Achille, dont on n'avait pas laissé la place vide, et qui doublait le San-Ildefonso. Les frégates et les bricks étaient à une distance considérable sous le vent; les premières (surtout à cause de l'état du temps) se trouvaient par là dans l'impossibilité de rendre à la Flotte les services qu'elle avait droit d'en attendre d'après les instructions de l'Amiral.

"Lorsque les deux colonnes de la Flotte Anglaise furent sur le point d'arriver à portée de canon du centre de la ligne FrancoEepagnole, elles se divisèrent. Celle que conduisait le Vice-Amiral Collingwood fit porter et se dirigea sur le vaisseau la Santa-Anna; celle que Nelson conduisait en personne gouverna droit sur le Bucentaure. En ce moment, l'Amiral Villeneuve fit le signal de commencer le feu dès qu'on serait à portée. C'est alors que le Capitaine Lucas, commandant du Redoutable, voyant le danger auquel était exposé le vaisseau Amiral par l'éloignement de son matelot d'arrière, le Neptune, et jugeant de l'impossibilité où se trouvait ce bâtiment de prendre son poste, força de voiles, et vint audacieusement poster son vaisseau dans la hanche du vent du Bucentaure. Par cette manœuvre, digne des plus grands éloges, le capitaine Lucas couvrait son général, et rendait impossible à l'ennemi de couper la ligne en arrière du Bucentaure, sans aborder le Redoutable et l'entraîner hors du poste où l'intrépidité de son chef l'avait placé.

deux colonnes qui paraissaient se diriger sur le centre de la ligne Franco-Espagnole.

"Cette manière inusitée de se présenter au combat avait été choisie par Nelson pour éviter le retard que met toujours une flotte nombreuse à se former en ligne de bataille, et par d'autres motifs détaillés dans son ordre général du 10 Octobre, adressé aux capitaines des vaisseaux de sa flotte. Cet ordre est considéré comme

un chef-d'œuvre par les marins éclairés. On y lit la défaite presque inévitable de toute flotte qui n'opposera à cette attaque d'un genre nouveau que les moyens de défense ordinaires. En considérant l'état de la science navale à cette époque, on ne peut guère s'empêcher de penser avec les Anglais, que cette attaque était irrésistible, du moins en se conformant aux règles de la tactique. Que devait-il donc arriver, si, par impéritie, indécision, ou toute autre cause, on négligeait ou l'on tardait d'employer à la défense commune les ressources insuffisantes qu'offrait la tactique?

"Conformément aux dispositions principales de son ordre du 10 Octobre, Nelson avait, ainsi que nous venons de le dire, rangé sa Flotte en deux colonnes; mais il n'avait pas formé d'escadre avancée. Il se réserva le commandement de la première colonne, qui était composée de douze vaisseaux, et donna celui de la seconde, forte de quinze vaisseaux, au Vice-Amiral Collingwood. Pendant qu'il dirigeait sa Flotte ainsi formée sur le centre de la ligne de bataille de la Flotte Combinée, il faisait parcourir ses deux colonnes par des frégates chargées de faire connaître aux Capitaines des vaisseaux Anglais ses dernières intentions. Lorsqu'il fut assuré qu'elles étaient bien comprises de tous les Capitaines, il adressa aux équipages (à l'aide du télégraphe naval) ces paroles mémorables: 'L'Angleterre compte que chacun fera son devoir!' Ce signal fut accueilli dans la Flotte Britannique par des acclamations universelles et tous les signes du plus vif enthousiasme officiers et matelots entendirent la voix de la patrie, et tous s'apprêtèrent à combattre comme si les regards de leurs concitoyens eussent été fixés sur eux.

"La même ardeur animait les équipages de la Flotte Combinée, les officiers et matelots Français surtout; mais si le moyen employé par Nelson manquait à Villeneuve pour la faire éclater, elle n'en était pas moins réelle. La vue de l'ennemi avait fait tout oublier à ces braves marins, et le fâcheux résultat du combat du 22 Juillet, et les préventions défavorables dont il les avait armés contre leur chef:

1 "Quand on compare l'instruction de Villeneuve, dont nous avons cité plus haut les passages les plus saillans, avec l'ordre ci-dessus de Nelson, que de réflexions se présentent à l'esprit ? Nous n'en hasarderons qu'une ici. Suivant l'Amiral Anglais, placer son vaisseau par le travers d'un vaisseau ennemi,' est le moins que puisse faire un capitaine; quant à Villeneuve, c'est tout ce qu'il en exigeait : la différence est grande."

"Il est utile de faire voir qu'en cela Nelson ne manqua pas, comme on pour. rait le croire, de suivre le plan qu'il avait formé d'avance. En effet, s'il ne s'avança que sur deux colonnes, et s'il fit la seconde plus forte que la première, c'est qu'il s'aperçut que le vaisseau de Villeneuve n'était pas placé au centre de sa ligne de bataille, et que cette ligne présentait un plus grand nombre de vaisseaux dans la partie sur laquelle devait être dirigée l'attaque de la colonne commandée par l'Amiral Collingwood."

ils brûlaient de signaler leur intrépidité et leur dévouement à leur pays, et l'on verra, dans la suite de notre récit, de quels héroïques efforts furent capables des hommes qu'une foule de circonstances pouvaient avoir découragés. Telles étaient les dispositions morales des deux Flottes aux approches du terrible combat qui allait s'engager. La faiblesse de la brise en retardait l'instant, et, à onze heures, la Flotte Anglaise, malgré toutes les voiles dont ses vaisseaux / étaient couverts, n'était pas encore arrivée à portée de canon de la ligne Franco-Espagnole.

"Nous avons dit que cette ligne était mal formée. L'espace compris entre le Neptuno et le Bucentaure n'était pas suffisant pour les dix vaisseaux qui devaient s'y placer; quelques uns se doublaient; d'autres se trouvaient sous le vent de leur poste, qui demeurait vide sans qu'ils pussent s'y placer. Le Duguay-Trouin était dans ce dernier cas, ainsi que les deux vaisseaux le SanFrancisco de Assis et le San-Augustino. Le Héros, la SantissimaTrinidad et le Bucentaure étaient parfaitement formés; le Neptune, matelot d'arrière du vaisseau amiral dans l'ordre de bataille renversé, était sous le vent de son poste; le San-Leandro, placé alors dans les eaux du Neptune, était également hors de la ligne. Le Redoutable était exactement à son poste, qu'il ne devait abandonner bientôt que pour en prendre un à la fois plus honorable et plus périlleux; en arrière de ce vaisseau, il existait un grand vide; le San-Justo et l'Indomptable, qui devaient le remplir, étaient nonseulement acculés, mais un peu sous le vent de la ligne. Depuis la Santa-Anna jusques et compris l'Argonaute, l'ordre était assez bien établi; le Montagnès et l'Argonauta se trouvaient sous le vent de leur poste; le reste des vaisseaux, quoiqu'un peu sous le vent aussi, présentait une ligne régulièrement formée, à l'exception de l'Achille, dont on n'avait pas laissé la place vide, et qui doublait le San-Ildefonso. Les frégates et les bricks étaient à une distance considérable sous le vent; les premières (surtout à cause de l'état du temps) se trouvaient par là dans l'impossibilité de rendre à la Flotte les services qu'elle avait droit d'en attendre d'après les instructions de l'Amiral.

"Lorsque les deux colonnes de la Flotte Anglaise furent sur le point d'arriver à portée de canon du centre de la ligne FrancoEepagnole, elles se divisèrent. Celle que conduisait le Vice-Amiral Collingwood fit porter et se dirigea sur le vaisseau la Santa-Anna celle que Nelson conduisait en personne gouverna droit sur le Bucentaure. En ce moment, l'Amiral Villeneuve fit le signal de commencer le feu dès qu'on serait à portée. C'est alors que le Capitaine Lucas, commandant du Redoutable, voyant le danger auquel était exposé le vaisseau Amiral par l'éloignement de son matelot d'arrière, le Neptune, et jugeant de l'impossibilité où se trouvait ce bâtiment de prendre son poste, força de voiles, et vint audacieusement poster son vaisseau dans la hanche du vent du Bucentaure. Par cette manoeuvre, digne des plus grands éloges, le capitaine Lucas couvrait son général, et rendait impossible à l'ennemi de couper la ligne en arrière du Bucentaure, sans aborder le Redoutable et l'entraîner hors du poste où l'intrépidité de son chef l'avait placé.

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