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même de saboter le développement économique du pays comme ce fut le cas dans les affaires électriques, afir d'assurer le monopole allemand des charbons. Enfin la Convention du Gothard vient assurer un contrôle alle mand sur l'ensemble de nos tarifs ferroviaires et mettre le sceau à une emprise économique sous laquelle nou étouffions de plus en plus.

La France, vaincue sur le terrain économique, s'aban donna pareillement sur le terrain moral. Tandis qu les universités allemandes favorisaient de toutes façon nos étudiants et que le gouvernement impérial nou envoyait des professeurs de grande valeur, la Franc refusait d'admettre l'équivalence de nos grades univers taires et se confinait dans un protectionnisme intellectue qui faisait obstacle à tout échange d'idées. Le peupl suisse est essentiellement bilingue. De même que le jeunes gens de la Suisse romande vont tout naturellemen parachever leurs études en Allemagne pour se pe fectionner dans une langue qui leur est indispensable, l Suisses allemands n'eussent pas demandé mieux que terminer leurs études à Paris. Malheureusement le portes de cette université leur étaient fermées, et eu aussi durent aller Outre-Rhin pour complèter un d veloppement, que, trop souvent, des professeurs allemand installés dans nos universités, avaient déja commencé.

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C'est ainsi que les idées allemandes ont fini pa s'infiltrer dans une partie de la classe bourgeoise intellectuelle de la Suisse alémanique et par y seme cette malheureuse idée de la solidarité de la cultur germanique, qui a troublé tant de cerveaux pendant guerre. Le clergé protestant était spécialement co taminé, par l'étude de la théologie allemande, à la base d laquelle se trouvaient des préoccupations patriotique indépendantes de la foi.

Heureusement, si les liens économiques et intellectuel étaient étroits, d'autres motifs agissaient puissammen en sens contraire. Tout d'abord, le Suisse est républicai et démocrate de tempérament et de tradition. Depuis tan de siècles que les mœurs des vieilles communes du Moye Age se sont développées chez nous en une forme politiqu achevée, notre peuple, surtout dans les cantons primitif est imprégné de démocratie. La frontière du Rhin étai jusqu'ici, une frontière morale autant que politique

is qu'une frontière géographique. En face des Allends monarchistes et impérialistes tout Suisse et surit chaque paysan se sentait un étranger. La langue ide. Car c'est une erreur de croire que les Allemands les Suisses alémaniques parlent le même idiome. Sans ite, les Suisses savent tous l'allemand, mais ils parlent linairement un dialecte auquel ils tiennent beaucoup, as toutes les couches de la population, et qui les tingue nettement de leurs voisins de la Bavière ou du 78 de Bade. Enfin, l'intérêt national, dont l'évidence ait imposée à la Suisse romande dés la première heure la guerre, finit, au milieu des contradictions et des itations, par apparaître nettement aux Suisses alèniques eux-mêmes. Une victoire de l'Allemagne eût raîné la fin de l'indépendance de la Suisse, dans le naine économique, politique et moral, et aucun Suisse échi ne pouvait hésiter dans ses vœux.

On s'étonnera peut-être de la lenteur avec laquelle te conviction s'est imposée aux Confédérés alémaniques. is on ne leur jettera pas la pierre si l'on songe à tous obstacles qui s'opposaient à leur conversion et aux tres moyens mis en œuvre pour la réaliser. La presse e gouvernement, mal préparés par leur passé à de si nds événements, ont été également désorientés, en , par la guerre. Les journaux, faute de connaître, is ses fondements, la politique internationale, sont s chercher des renseignements au plus près, c'est à » dans des journaux de même langue, paraissant de tre côté de la frontière. Le gouvernement, de son s'est confiné dans sa besogne administrative, sans rcher à gagner un contact direct avec la presse. Il a pas de pays en Europe, sans en excepter les igérants, où, pendant la guerre, le gouvernement à plus silencieux, plus distant, plus fermé et plus autoique que ce pays républicain, où les traditions démoiques sont vieilles de six siècles. Ce manque de act entre le gouvernement et le peuple a été pour coup dans les crises morales graves que nous avons ersées et dont la cause la plus fréquente a été

orance.

In dépit de toutes les difficultés matérielles et ales, la conviction de l'intérêt national a fini par poser à la Suisse alémanique, comme elle s'était

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imposée dés la première heure aux Suisses romands. L victoire de l'Allemagne aurait eu pour résultat une tell sujétion de notre pays à l'empire voisin, au point de vu économique et politique, que, indépendamment de toute les raisons de justice qui devaient dicter notre sentimen le doute ne pouvait pas être permis sur le terrain d l'intérêt national, même le plus étroit.

Cette évidence, qui avait eu quelque peine à se fray un chemin dans les cerveaux d'un certain nombre de n Confédérés, devint manifeste au moment de la paix d Brest en Lituanie. Ce fut la grande erreur psychologiqu de l'Allemagne de croire qu'elle devait donner au mond le spectacle de sa force et de sa victoire. Il était dé trop tard alors pour que de semblables démonstration pussent encore faire impression sur les neutres. Ils virent seulement la démonstration ultime de ce qu'aura été pour l'Europe l'hégémonie allemande, et du sort q la victoire de l'Empire eût réservé à ses voisins les pl proches.

De même qu'en 1915, l'entrée de l'Italie dans la guer avait fait moralement du tort à la cause des Alli l'intervention des Etats-Unis en 1917 lui donna un écl nouveau. Tous ces éléments venant s'ajouter les u aux autres, la Suisse allemande vit avec lassitude co mencer l'année 1918. Ne désirant plus une victoire all mande, n'espérant pas encore une victoire alliée, el attendait la paix à tout prix et le plus vite possible. I victoire des Alliés en Octobre vint surpasser tous l espoirs qu'avaient formés les admirateurs les plus arder de l'Entente. Elle comblait les voeux de tous ceux q la désiraient et de ceux qui n'avaient d'autre désir que paix. Elle fut le premier événement, depuis 1914, nature à unir dans une même joie tous les Suisses.

Cependant le 11 novembre ne fut pas, pour notre pay un jour de fête. Au moment même où l'on annonçait signature de l'armistice la grève générale éclatait da tout le pays. La guerre a provoqué dans la clas ouvrière de la Suisse allemande une aigreur dont 1 causes sont diverses. La plus importante, au point vue économique, doit être cherchée dans les mesur prises par les puissances alliées en vue du blocus l'Allemagne. La Suisse, nous l'avons dit, vit entièreme

l'importation et de l'exportation. Les importations t subi des restrictions de tous genres, dûes en partie blocus, en partie à la raréfaction du fret et des tières premières dans le monde entier. Le résultat de O mesures a été une diminution considérable des imrtations et la nécessité de mesures de restriction, tant point de vue alimentaire que pour les industries. La séquence en a été le chômage d'une part, l'accroissent du prix de la vie d'autre part.

La Suisse, à ce point de vue, s'est trouvée dans une nation plus difficile que celle des pays belligérants. ux-ci, en effet, pendant ces cinq années, ont souffert la rareté de la main d'œuvre plus que du chômage. Suisse, au contraire, la mobilisation a désorganisé le vail, et le chômage est devenu très général. Il a accru dans des proportions considérables par les erdictions d'exporter. La Suisse n'a rien pu envoyer Allemagne, pour satisfaire aux règles du blocus; elle pas pu exporter d'une façon générale dans les pays és, à cause des mesures que ces pays ont édictées pour pêcher la chute de leur change. Enfin, dans la mesure les exportations n'étaient pas interdites, elles étaient dues presque impossibles, tant par des difficultés de sport que par la situation du change, qui mettait les chandises suisses à un prix très élevé partout.

Vouée au chômage par les répercussions diverses de uérre, la Suisse a vu le prix de la vie augmenter en me temps dans des proportions considérables. On que ce fut un phénomène général dans le monde er, et c'est exact. Mais les pays belligérants ont émis quantité énorme de monnaie fiduciaire; et, si le prix a vie a monté, la circulation s'est accrue dans des portions analogues et, avec elle, le taux des salaires. en a pas été de même en Suisse, où le gouvernement 1 devoir maintenir, avec de légéres modifications, sa ique financière d'avant-guerre, et où l'augmentation rix de la vie n'a été compensée que dans une faible are par l'augmentation des salaires.

e mécontentement causé dans la classe ouvrière par estrictions, le chômage et l'accroissement du prix a vie a été compliqué de causes morales. La ière, dont nous avons parlé déjà, est l'incompréion de la Suisse allemande à l'égard des grands

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problèmes internationaux posés par la guerre. O souffre plus patiemment et l'on souffre moins, lorsqu'o a l'impression de souffrir pour une cause juste et un grande cause. Ce ne fut pas là l'état d'esprit des be ligérants seulement, mais aussi des Suisses romands dans leur grande majorité. Ils acceptèrent sans re criminations des privations qui les mettaient, dans un certaine mesure, dans une situation analogue à celle de Alliés eux-mêmes. En Suisse allemande, au contrain toutes les restrictions, tous les obstacles à l'activit toutes les entraves firent l'effet d'attentats inouïs à liberte et à la souveraineté du peuple, parce que n'en comprit pas les raisons profondes.

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Cet état d'esprit fut accentué et aggravé par les tr nombreux étrangers qui, pendant la guerre, résidérer sur notre territoire. Venus des quatre coins de l'horizo Allemands et Autrichiens échappés de France, França et Anglais fuyant d'Allemagne et d'Autriche, réfugi alsaciens et polonais, Turcs, Grecs, Slaves de tous genre protestataires, déserteurs et réfractaires, bons, mauva médiocres, toutes les classes de la population, toutes races, toutes les situations étaient représentées.

Ce n'est pas de gaîté de coeur que la Suisse dev ainsi, pendant la guerre, le dépotoir de l'Europe. Elle dut tout d'abord à sa situation centrale, ensuite à traditions de liberté. Le droit d'asile appartient, com règle non écrite, au droit public suisse depuis les tem les plus anciens. Il eût fallu en Suisse une révoluti morale pour que le peuple se résignât à fermer portes du pays aux réfugiés politiques et aux victin de la guerre. Cette révolution, cependant, se fût pe être produite, en raison du caractère tout à fait ceptionnel des circonstances, si les Alliés eux-mêmes s'y étaient pas opposés. C'est un point qu'il importe souligner.

Les autorités de Bâle ayant fait mine de refu l'entrée du territoire suisse à un déserteur alsacien presse française protesta avec véhémence contre ce décision, qui lui paraissait de nature à favoriser l'A magne. La Suisse se vit donc obligée d'accueillir to les déserteurs allemands, afin de ne pas courir le risq de repousser quelque Alsacien. Naturellement, elle obligée d'accueillir aussi les déserteurs alliés, pour ne p

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