Изображения страниц
PDF
EPUB

pas même esquissée, Faust n'est plus que le type de l'Orgueil et de l'Ambition poussés à l'excès: le Juif de Malte, dont les deux premiers actes sont très-supérieurs à tout ce qui avait été fait jusque-là. Barabbas, le juif de Malte, n'est pas tout à fait indigne de l'honneur d'être du même sang que Shylock, ce type admirable du marchand de Venise; et le juif de Shakspeare peut, jusqu'à un certain point, reconnaître son compatriote dans le héros de Marlowe; malheureusement, les derniers actes sont remplis, suivant l'habitude du théâtre de cette époque, de cruautés sans nombre, et qui n'offrent pas le moindre intérêt; enfin, la Vie d'Edouard II; il est assez probable, en outre, que les pièces de la Querelle de Lancastre et de York, et de la tragédie de Richard, refondues dans les 2e et 3e parties du Henri IV de Shakspeare, étaient de Marlowe, en collaboration de Greene. Marlowe excellait surtout à peindre le ravage des passions. Outre ces pièces, il a Jaissé la traduction de plusieurs ouvrages de l'antiquité.

Enfin vient Shakspeare, et avec lui le théâtre atteint de prime-abord sa perfection; de 1590 à 1612, il écrivit trente-six pièces, dont sept ou huit sont des chefs-d'œuvre: Henri IV, Roméo et Juliette, le roi Léar, Macbeth, Othello, le Marchand de Venise, le Songe d'une nuit d'Été. La plupart des pièces de Shakspeare sont mêlées de prose et de vers. Ce grand écrivain possède toutes les qualités de l'homme de génie; il peint avec énergie et vérité, soutient admirablement ses caractères; ses tableaux, tour à tour terribles ou gracieux, s'élèvent souvent jusqu'au sublime; il excelle surtout à exciter la terreur ou la pitié; malheureusement, à côté de ces grandes qualités, on

trouve des contrastes choquants, des plaisanteries grossières ou triviales, des expressions exagérées et grotesques; mais ces taches sont rachetées par la profondeur de la pensée et cette connaissance du cœur humain, qu'on ne trouve au même degré dans aucun autre poète dramatique. Dans aucune de ses pièces, Shakspeare n'observe les unités de temps et de lieu, ce qui le fait considérer comme le père de l'école romantique. Beaucoup d'écrivains anglais lui ont fait des emprunts; c'est ainsi que Byron a imité son langage; Walter Scott lui a emprunté sa manière de dramatiser; ce qui a fait dire à M. Chateaubriand :,« La littérature anglaise est toute Shakspeare. >> Voici, selon M. Malone, l'ordre de ses pièces : Peine d'amour perdue ; Henri VI (trois parties); les deux Gentilshommes de Vérone; le Conte d'hiver; le Songe d'une nuit d'été; Roméo et Juliette; la comédie des Erreurs; Hamlet; le roi Jean; Richard II; Richard III; Henri IV (deux parties); Tout est bien fait qui finit bien; Henri V; Beaucoup d'embarras pour rien; Comme il vous plaira; les Joyeuses commères de Windsor; Henri VIII; Troilus et Cressida; Mesure pour Mesure; Cymbeline; le roi Léar; Macbeth; la Méchante, mise à la raison; Jules César; Antoine et Cléopâtre; Coriolan; Timon d'Athènes; Othello; la Tempête; Comme vous voudrez ; la Douzième nuit; sans parler de plusieurs autres, telles que Périclès, Titus Andronicus, qu'on lui attribue, peut-être à tort. Parmi ces pièces, quelques-unes, comme la Comédie des Erreurs, Peine d'amour perdue, sont très-faibles; le Songe d'une nuit d'été est une des belles pièces de Shakspeare, mais elle tient plus de la poésie que du drame; sous le rapport féerique, c'est une des plus singulières conceptions qu'on puisse imaginer; le style, varié

me

à l'infini, est léger, aérien, comme le sujet lui-même ; il n'a cependant rien d'affecté; c'est peut-être, de toutes les pièces de l'auteur, la plus correcte. Roméo et Juliette, a dit M de Staël, est « le tableau de l'amour sans mélange, d'un amour tendre et ardent, dans toute sa fraîcheur printanière. » Rien de plus habile que le contraste de la joie délirante des deux amants avec l'horrible catastrophe qui termina leur vie ; aussi, malgré tous ses défauts, cette tragédie fait-elle toujours plaisir. Le rôle de Roméo est souvent pâle; quoique remarquable par un grand fonds de tendresse, notre héros ne débite parfois que des lieux communs de galanterie : Juliette elle-même n'est pas exempte d'une certaine phraséologie, qui contraste avec le naturel de son âge. Ce défaut se remarque surtout dans le troisième acte; les deux derniers sont supérieurs; le style de Shakspeare s'élève avec la situation.

M. Hallam regarde le Marchand de Venise comme une des meilleures pièces de Shakspeare, si ce n'est la meilleure; le plan est seulement un peu compliqué, mais il n'y règne aucune confusion. Les caractères des pièces de cet auteur sont admirables et très-variés: où en trouver en effet de mieux soutenus que ceux des deux Richard, et surtout de Richard III, de Shylock, de Fasltaff, d'Hotspur, de Macbeth, etc.? Les pièces historiques de Shakspeare ont eu une grande influence sur la popularité du célèbre dramaturge, «elles l'ont identifiée dans les coeurs anglaisavec les sentiments anglais; » delà l'enthousiasme profond de la nation pour cet écrivain; du reste, son principal titre de gloire sera toujours d'avoir abandonné la mythologie et l'histoire ancienne, pour représenter sur la

scène l'histoire de l'Angleterre, sa vie pour ainsi dire; aussi a-t-il commencé par là une littérature nouvelle, et a-t-il donné à l'art dramatique anglais son véritable caractère, national par excellence.

Outre son théâtre, Shakspeare a laissé, en poésie et en prose, quelques pièces détachées, qui, malheureusement, ont été perdues; poète indépendant par ses créations dramatiques, il prit pour modèle en poésie Spencer qui, à cette époque, jouissait de la plus grande réputation, et était l'auteur à la mode. Shakspeare, le grand tragique, est également un excellent comique; sa pièce, les Joyeuses Commères de Windsor, est du nombre des meilleures comédies anglaises. L'Humour y abonde. Nous n'avons pas en français le correspondant du mot Humour ; Gaîté, qui s'en rapproche le plus, ne le rend pas complétement; il faudrait y ajouter ce qu'il y a de vague, de nuageux dans le mot fantaisie. L'humour est une petite flamme, un feu follet, une bonhomie maligne qui rappelle la causticité bienveillante de La Fontaine, une gaîté spirituelle, sérieuse, fine et satirique, pleine de nonchalance et de laisser aller, qui se sent mieux qu'elle ne s'exprime. Les vers de Byron, les Préfaces de Walter Scott, l'Hudibras de Butler, le poème badin de la Mèche de cheveux enlevés, de Pope, les romans de Dickens, le Gulliver de Swift, les ouvrages de Sterne, surtout Tristam Shandy, par sa franche et douce gaîté, son originalité et son excentricité, en offrent de nombreux exemples; on peut citer en particulier le discours de l'oncle Toby à sa mouche ennuyeuse.

Parmi les auteurs dramatiques, contemporains de Shakspeare, on trouve Webster. On cite de lui trois pièces

assez remarquables pour l'époque. Appius et Virginie, tragédie difficile à traiter, et dans laquelle il a assez bien réussi; le Diable blanc ou Vittoria Corombona, qui porte l'empreinte des crimes et des mœurs de l'Italie sous les Borgia; la couleur locale y est fidèlement conservée; les crimes y pullulent, et avec un raffinement incroyable. La Duchesse de Malfy offre aussi des situations du plus haut pathétique; elle est tirée des nouvelles du romancier italien Bandello. -Benjamin Johnson, appelé ordinairement Ben Jonhson, et qui, comme Shakspeare, fut acteur et auteur; parmi ses tragédies, on remarque la Chute de Séjan, Catilina; ses comédies sont aussi fort nombreuses; les principales sont Volpone (le Renard), qui a quelques rapports avec Tartufe; la Femme silencieuse, tableau des mœurs de la haute société à Londres; l'Alchimiste, et enfin Chacun dans son humeur, son chef-d'œuvre, qui est resté au théâtre. C'est une des premières comédies de moeurs domestiques en Europe; les caractères, assez variés, sont soutenus jusqu'au bout, l'intrigue est peu compliquée. Ben Jonhson montre dans son théâtre un grand fonds d'esprit, beaucoup de gaîté piquante et caustique. Francis Beaumont et John Fletcher, célèbres par leur fécondité, composèrent au moins cinquante-deux pièces. Il y a chez Fletcher plus d'esprit, de vivacité et une peinture plus fidèle des caractères. Leurs meilleures pièces sont : la tragédie de la Jeune fille; les rôles d'Aspasie, l'héroïne de la pièce, de Mélantius, bon et honnête soldat, d'Evadné, qui trouve dans sa puissance l'impunité de ses crimes, sont des rôles bien saisis et bien rendus ; malheureusement, la pièce est remplie d'inconvenances,

« ПредыдущаяПродолжить »