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Guillaume de Jumièges, Orderic Vital et son Histoire ecclésiastique, Ingulfe, secrétaire de Guillaume, qui laissa l'Histoire de l'abbaye du Croyland; cette littérature n'a pour auteurs que des Normands transplantés en Angleterre; de tous ceux qui précèdent, Ingulfe seul semble être d'origine anglo-saxonne.

L'invasion du normand fut, pour ainsi dire, comme celle d'un torrent; elle détruisit tout sur son passage, mais elle laissa sur le sol un limon fertile. A la suite des chevaliers normands, étaient venus les Trouvères, ou poètes du nord de la France, et avec eux les fabliaux et les romans de la chevalerie; aussi les auteurs que nous rencontrons à cette époque appartiennent à la France autant qu'à l'Angleterre. Ce sont : Le ménestrel Taillefer, qui, à la bataille d'Hastings, se précipite sur les bataillons saxons en chantant la chanson de Roland, et tombe percé de mille traits; son compagnon Berdic fut plus heureux, et obtint pour prix de ses exploits trois fiefs dans le comté de Glocester; puis, vient Philippe de Than, auteur des poèmes : Liber de creaturis, et le Bestiaire. Sa poésie a cela de particulier que la rime, au lieu d'être à la fin du vers, se trouve à chaque hémistiche:

Al busuin est truved, l'amie é epruved

Unches (aucun) ne fud ami, qui al busuign failli, etc.

Robert Wace, de Jersey, qui a laissé le Brut d'Angleterre (1155); le principal héros de ce roman est un prétendu petit-fils d'Enée. Le Troyen Brut fait de longs voyages, rencontre des îles enchantées, des palais merveilleux, et enfin trouve l'Angleterre, où il s'établit. Là fi

gurent l'institution de la Table-Ronde (1) et l'enchanteur Merlin, si célèbre durant tout le moyen âge. Le sujet de ce roman est tiré d'une chronique du moine Geoffroy de Monmouth, qui avait donné une chronologie de rois imaginaires, depuis ce Brut jusqu'à Cadwallader, vers 689 après Jésus-Christ. Outre sa chronique, Monmouth, devenu évêque de Saint-Asaph en 1152, avait composé sur l'enchanteur Merlin un poëme dont Leland fait un assez grand cas. Ces légendes fabuleuses ont longtemps conservé leur popularité; c'est là que Sackville alla chercher sa tragédie de Ferrex et de Porrex, Drayton, une partie de son poëme Polyolbion, Shakspeare, son roi Léar; Milton lui-même rêva longtemps un poëme épique sur ces sujets.

Wace composa encore le Roman du Rou (Rollon), en vers alexandrins, et une Chronique ascendante des ducs de Normandie; il était lecteur de Henri Beau-Clerc, connu par la traduction de quelques fables d'Esope. M. Villemain, dans sa Littérature du moyen âge, a retrouvé le véritable caractère des romans de la chevalerie normande, par opposition à ceux de la cour de Charlemagne et aux romans nés du Cid. Dans les romans normands, ceux de la Table-Ronde, par exemple, on trouve le goût des aventures extraordinaires, des courses lointaines, des

(1) On appelle ainsi un ordre fabuleux de chevalerie, institué, suivant les légendes de la Grande-Bretagne, à la fin du V° siècle, à York, par le roi Chrétien Uther, ou son fils Artus, d'après les conseils de l'enchanteur Merlin; le nombre des chevaliers fut d'abord de 24, puis de 50; à leur tête était Artus; leurs noms se trouvent gravés sur une table de marbre, de forme ronde, qui est conservée à Winchester depuis 1480. Cette fable a inspiré un grand nombre de romanciers au moyen âge, elle est le fond principal des romans Lancelot du Lac, Tristan de Léonnais, Perce forest, Saint-Graal, etc...

grandes conquêtes, des grandes entreprises. Il est peu de chevaliers qui ne deviennent rois, il n'est pas d'écuyer qui n'obtienne une île, comme le souhaitait Sancho Pança : c'est l'esprit aventureux, mais intéressé, des Normands, qui veulent, à travers les batailles et les coups d'épée, arriver à quelque chose de sûr et de profitable; c'est l'esprit de cette époque de courses en Russie, à Constantinople, en Terre-Sainte, de conquêtes en Sicile, en Angleterre, animant jusqu'à leurs romans.

Nous allons donner un fragment du poëme de Wace, en rapportant d'abord le texte latin de la chronique de Geoffroy, qui le lui avait inspiré. C'est la description de la fête qui suit le couronnement du roi Arthur; on pourra voir combien Wace enrichit et développe les idées de son prédécesseur; les vers français ont 8 pieds; la rime y est exactement conservée; nous donnerons plus loin les imitations anglaises de ce morceau par Layamon, Robert de Glocester et Robert de Brunne.

TEXTE DE GEOFFROY DE MONMOUTH.

Rex et regina diademata sua deponunt, assumptisque levioribus ornamentis, ille ad suum palatium cum viris, hæc ad aliud cum mulieribus, epulatum incedunt: antiquam namque consuetudinem Trojæ servantes Britones, consueverant mares cum maribus, mulieres cum mulieribus, festivos dies separatim celebrare.

TEXTE DE ROBERT WACE.

Quand li service fut finé,

Et ite missa est chanté,

Li roi a sa corone ostée

Qu'il avoit au mostier (1) portée,
Une corone menor (2) prist :
Et la reine ensement (3) prist.
Jus mistrent les greignors (4) ators,
Plus légiers pristrent, et menors.
Quand li roi torna del mostier,
A son palais ala manger.

La reine à un autre ala,

Et les dames o sei (5) mena.

Li roi mangea avec les homes,

Et la reine avec les dames,

0 (6) grant deduist (7) et o grant jove,
Come soloit estre à Troye :

Et Bretons encore la tenoent,
Quant ensemble feiste (8) feisoent,
Le roi et les homes mangoent,
Que nule fame n'i menoent :
Les dames mangoent aillors,
N'i avoit que lor servitors.

Après Robert Wace, nous trouvons encore parmi les auteurs angio-français (si nous pouvons les appeler ainsi) Marie de France, connue par ses Lays et ses Fables, traduites du grec d'Esope. C'était, dit-on, une princesse du sang royal des Carlovingiens, retirée à la cour d'Angleterre. Puis, Richard Coeur-de-Lion, guerrier-poëte, qui fit résonner la lyre des troubadours dans la langue du gai savoir (langue d'Oc).

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On peut encore citer Samson de Nanteuil, traducteur des Proverbes de Salomon; Geoffroy Gaimar, connu par son Histoire en vers des rois anglais jusqu'à Guillaume le Roux; Benoît de Saint-More, auteur de l'Histoire des guerres de Troie; Guernes, qui écrivit en vers la Vie de Thomas Becket. Ces différents ouvrages donnèrent naissance à une classe de poëtes particuliers, les Ménestrels, qui allaient à la cour et dans les châteaux, récitant soit des extraits des romans alors en vogue, soit des vers qu'ils avaient eux-mêmes composés, et qui étaient dans le genre de ceux que Walter Scott a remis en honneur de nos jours.

Quoique abaissé, le saxon ne subsistait pas moins; pressé, foulé aux pieds par les vainqueurs, il s'était réfugié dans les monastères et dans les basses classes, et s'il n'avait pas la qualité, il avait au moins pour lui le nombre; nous le voyons reparaître avec les ballades; une des plus connues de cette époque est celle sur Robin Hood, le Outlaw du roman d'Ivanhoë.

Nous allons citer un fragment de cette ballade trèscélèbre. Avant la conquête normande, la chasse était permise à tout le monde; mais les rois normands, à leur avénement, se réservèrent les forêts comme un des plus nobles priviléges de leur couronne; les peines les plus sévères, comme la perte de la vue, étaient portées contre les délinquants. Cependant à cette époque, comme à toutes les époques de trouble, il y avait une foule de gens sans aveu, hors la loi, comme on les appelait (outlaws), qui vivaient en faisant la guerre au gibier du roi et en pillant les voyageurs. Robin Hood, le héros de notre ballade, est le type le plus caractéristique du temps : c'est un monta

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