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Après Milton, mais à une grande distance, on trouve John Denham et sa Colline de Cooper (Cooper's Hill), espèce de poème descriptif, harmonieux et fleuri. William Chamberlayne, auteur de la Victoire de l'amour, et du poème historique Pharonnide; ce poète était presque oublié lorsque M. Campbell, dans ses spécimens des poètes, signala à la postérité cet abandon injurieux; André Marwell, qui a donné les Emigrants dans les Bermudes, et la Nymphe pleurant la mort de son faune; Isaac Walton, qui s'est fait un nom populaire par son Parfait Pécheur, remarquable par sa douceur et sa grâce naturelle.

L'Hudibras de Sam. Butler est essentiellement une œuvre de circonstance, qui, néanmoins, grâce à la vivacité de la satire, a survécu aux systèmes, aux passions, aux ridicules qui l'avaient produite. Publiée sous le règne de Charles II (1665), elle acheva de déconsidérer les Presbytériens, déjà écrasés politiquement par la Restauration. Ce poème, beaucoup plus populaire alors que le Paradis perdu, obtint dès son apparition un succès qui dura près d'un siècle. Johnson lui prodigue les éloges les plus enthousiastes; mais, selon M. Hallam, la réputation de ce poème n'est plus la même aujourd'hui, ces querelles religieuses étant sans intérêt pour la génération actuelle; les allusions si transparentes, si piquantes pour les contemporains, sont obscures pour nous, et ôtent ainsi à ce livre une grande partie de son charme et de son esprit.

Le poème d'Hudibras est évidemment imité de Don Quichotte, mais il a aussi plus d'une ressemblance avec la satire Ménippée; seulement, au lieu de ligueurs ce

sont des puritains. Hudibras, chevalier et juge de paix, et son écuyer Ralph ou Ralpho, sont les principaux personnages du poème, à l'instar de Don Quichotte et de Sancho Pança, leurs modèles et non leurs Sosies : car, dans l'auteur anglais, le chevalier est petit, trapu, bossu; l'écuyer, au contraire, a la taille haute et maigre. La fable est très-simple: le rigide chevalier voulant s'opposer à un combat d'ours et de chiens, qu'il regarde comme inconvenant et indécent, enchaîne le ménétrier Crowdero, qui donnait le divertissement; mais la foule, indignée, délivre le musicien pour mettre Hudibras à sa place; Hudibras est lui-même délivré plus tard par une riche veuve, la dulcinée du héros, qui, sachant que son amour est loin d'être désintéressé, l'expose à mille mauvais traitements en attendant qu'elle le congédie. Quoique l'Hudibras soit un livre amusant, il ne saurait être comparé à Don Quichotte, ce livre de tous les pays et de tous les âges. Au lieu des proverbes du bon Sancho, on trouve les arguments scolastiques et religieux de Ralph, un de ces batteurs de tambour ecclésiastique, nom que, dans son langage original et vigoureux, Butler donne aux prédicateurs fanatiques du Covenant.

Voici un fragment de Butler; c'est une imitation, en vers, de Voltaire, plutôt qu'une traduction; Butler, en effet, comme le dit son spirituel interprète, est intraduisible.

Quand les profanes et les saints
Dans l'Angleterre étaient aux prises;

Quand partout, sans savoir pourquoi,
Au nom du Ciel, au nom du Roi,
Les gens d'armes couvraient la terre,
Alors Monsieur le Chevalier,
Longtemps oisif, ainsi qu'Achille,
Tout rempli d'une sainte bile,
Suivi de son grand écuyer,
S'échappa de son poulailler
Avec son sabre et l'Évangile,
Et s'avisa de guerroyer.

Sire Hudibras, cet homme rare,
Était, dit-on, rempli d'honneur,
Avait de l'esprit et du cœur;
Mais il en était fort avare.
D'ailleurs, par un talent nouveau,
Il était tout propre au barreau,
Ainsi qu'à la guerre cruelle;

Grand sur les bancs, grand sur la selle,

Dans les camps et dans un bureau;
Semblable à ces rats amphibies

Qui paraissent avoir deux vies,
Sont rats de campagne et rats d'eau.
Mais, malgré sa grande éloquence,
Et son mérite, et sa prudence,
Il passe, chez quelques savants,
Pour être de ces instruments,
Dont les fripons, avec adresse,
Savent user, sans dire mot,
Et qu'ils tournent avec souplesse,
Cet instrument s'appelle un sot.
Ce n'est pas qu'en théologie,

En logique, en astrologie,

Il ne fût un docteur subtil.

En quatre, il séparait un fil,
Disputant, sans jamais se rendre,
Changeant de thèse tout à coup,
Toujours prêt à parler beaucoup,
Quand il fallait ne pas s'entendre.

Au nez du Chevalier antique,
Deux grandes moustaches pendaient,
A qui les Parques attachaient
Le destin de la République.
Il les garde soigneusement,
Et si jamais on les arrache,
C'est la chute du Parlement.
L'État entier, en ce moment,
Doit tomber avec sa moustache.

Notre grand héros d'Albion,
Grimpé dessus sa haridelle,
Pour venger sa religion,
Avait, à l'arçon de sa selle,
Deux pistolets et du jambon ;
Mais il n'avait qu'un éperon.
C'était de tout temps sa manière;
Sachant que si la talonnière
Pique une moitié de cheval,
L'autre moitié de l'animal
Ne resterait pas en arrière.
Voilà donc Hudibras parti :
Que Dieu bénisse son voyage,
Ses arguments et son parti,
Sa barbe rousse et son courage.

Après ce fragment, si remarquable par son originalité, on regrette que Voltaire n'ait pas continué une tâche que lui seul pouvait mener à bien; en 1757, un officier anglais au service de la France, Townley, acheva cette traduction en vers; mais, malheureusement, la muse qui inspirait l'enfant d'Albion, n'était pas la muse familière qui dictait les vers précédents; la traduction est lourde et boiteuse; déjà, deux ans avant, un essai incomplet avait été fait, un auteur inconnu avait donné en prose le premier chant (l'ouvrage en a huit); mais, à bout d'haleine, il n'avait pu continuer.

Avec Milton nous sommes entrés dans une ère nouvelle de l'histoire d'Angleterre, époque de troubles, de guerres civiles, drame sanglant qui a pour dénouement la mort sur l'échafaud du roi Charles Ier et la domination despotique, mais glorieuse, de l'usurpateur Cromwell, domination déguisée sous le nom de Protectorat. Aux mœurs élégantes et faciles, à la civilisation dépravée des règnes de Jacques Ier et de Charles Ier, succéda cette austérité puritaine qui est devenue proverbiale comme celle de Caton; la nation prit un caractère dur, froid, glacial; les plaisirs furent bannis, et ces hommes sévères, qui n'avaient de goût que pour la polémique religieuse et politique, proscrivirent toute espèce de littérature, comme mondaine et indécente; leur haine s'attaqua surtout au théâtre. Aussi Cromwell, malgré son admiration pour Shakspeare, fut-il forcé de l'exiler avec tous les autres poètes et de fermer tous les spectacles. Mais la poésie ne pouvait pas périr, car le génie est immortel; elle en appela de l'arrêt des vainqueurs, et, chose singulière ! ce fut un des fanatiques enthousiastes

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