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CHAPITRE III

CONFLIT ENTRE L'INTENDANT DE LA GÉNÉRALITÉ DE PARIS ET LE CONTRÔLE GÉNÉRAL. LUTTES ENTRE LA SOCIÉTÉ

D'AGRICULTURE
L'AGRICULTURE.

CONFLIT.

ET LE COMITÉ D'ADMINISTRATION

DE

LE RÈGLEMENT DE 1788 TRANCHE LE

Tandis que Bertier de Sauvigny remplissait, avec passion, tous les devoirs de sa charge pour maintenir la Société d'Agriculture dans le cadre des services de l'Intendance, une grave conspiration s'organisait pour s'emparer de la Société d'Agriculture, lui enlever son indépendance et en faire un instrument de l'Administration du Contrôle général. Il n'est peut-être pas, dans son histoire, un incident qui soit plus curieux.

Pendant le ministère de Joly de Fleury, 1781 à 1783, la situation de Bertier avait singulièrement grandi. Il avait refait le moral et en partie le personnel de la Société. Le présent et l'avenir dépendaient, comme on l'a vu, d'une question d'argent et quand on apprit que l'Intendant de Paris était en passe de retirer quelques fonds de la Commission provinciale et qu'il obtenait même le généreux concours de quelques donateurs, un effort fut tenté pour gagner les faveurs du Gouvernement grâce à une organisation nouvelle.

En 1784, plusieurs membres de la Société, le duc

de Liancourt, le duc de Béthune-Charost, pensant que les allocations accordées à leur Compagnie par la Commission provinciale n'avaient qu'un caractère provisoire, qu'en outre l'action de la Société serait beaucoup plus efficace, si elle devenait un centre commun et un lien de correspondance entre les Sociétés d'agriculture du royaume, proposèrent au Ministre de la réorganiser sur un plan plus vaste.

Dans une lettre adressée au Contrôleur général de Calonne, le 9 juin 1784, le duc de Béthune-Charost, disait :

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«

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Lorsque, il y a quelques jours, nous eûmes l'hon<< neur de vous parler de la création d'une Société royale d'agriculture de France, vous conçûtes aisé<«<ment l'utilité de ce que nous vous exposions, M. le <«< duc de Liancourt et moi, et vous crûtes cependant, <«< comme un Ministre sage fait toujours, devoir faire quelques objections à ce projet... Sans doute, les « Sociétés particulières ont été peu utiles, parce qu'elles étaient des membres sans tête, sans centre; <«< mais il reste, j'en ai la preuve écrite dans les << réponses faites à M. Quatremère-Disjonval, des << germes de vie et de santé ; les Sociétés vivront et vivi<«< fieront quand les esprits vitaux d'une tête (et cette <«< tête sera la Société d'agriculture de France) les ani<< meront par leur circulation de la tête aux membres « et des membres entre eux (1)... »

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A l'appui de leur proposition, Béthune-Charost et Liancourt remirent au Ministre un Mémoire où nous relevons les passages suivants :

(1) Archives Nationales, H. 1511.

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<<< Il existe des Sociétés d'agriculture dans les principales villes du royaume depuis vingt ans ; il en existe <«< aussi une dans la capitale depuis la même époque; « mais cette dernière ne paraît se distinguer, jusqu'à «< présent, des autres, que par une nullité et un engourdissement qui la mettent encore au-dessous d'elles et qui feraient croire que, depuis les chefs de l'État jusqu'aux particuliers domiciliés dans la Capitale, il << n'existe personne à qui l'agriculture paraisse digne « d'intérêt. On ne cherchera pas à dissiper ce préjugé «< ou ce mépris, parce qu'heureusement ils ne sont rien <«< moins que réels. La naissance des Sociétés d'agri<«< culture, toutes faibles et incapables qu'elles sont de «< rien opérer pour le présent, est une preuve de la <«< fermentation qui a commencé à se faire sentir depuis quelques années sur cette partie des connaissances, <«<et la fondation d'une Société d'agriculture de Paris, <«< sur un simple Arrêt du Conseil, doit être regardée «< comme l'aurore d'une autre Société fondée avec tout <«<l'éclat de la protection royale, tout l'appui de son <«< autorité, et tous les moyens que l'une et l'autre réu<<nies ont valus aux autres corps savants pour faire tant << de choses... >>

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Le Mémoire proposait ensuite la création d'une Société royale d'agriculture, correspondant avec toutes les autres Sociétés de France et même de l'étranger. Placée à la tête des Sociétés du royaume, elle tiendrait ses séances au Louvre et aurait un budget de vingt-quatre mille livres pour les frais du secrétariat, de la correspondance, des prix à proposer, des jetons de présence et autres frais.

Suivait alors un projet d'édit nommant le duc de

Liancourt, président de la Société projetée; Tillet, viceprésident; Lavoisier, directeur; le duc de BéthuneCharost, vice-directeur; Quatremère-Disjonval, secrétaire perpétuel; Cadet de Vaux, secrétaire adjoint; associés ordinaires: de Palerne, Daubenton, Dupont (1), Desmarets, d'Ailly, Tenon, Fougeroux, Parmentier, l'abbé Tessier, Thouin (André), l'abbé Mongez et de Rancy; cet édit aurait nommé associés libres : le prince de Croy, le duc d'Ayen, le comte de Montboissier, le duc de La Rochefoucauld, le comte de Vaudreuil et le prince de Tingry; enfin, associés nés le Contrôleur général des Finances, l'Intendant du département des Impositions, les Ministres de la Guerre, de la Marine et des Affaires étrangères, le Lieutenant général de police, le Prévôt des marchands, les cinq Intendants du Commerce, le Surintendant des Haras, l'Intendant des écoles vétérinaires, celui des Mines, celui des Eaux et Forêts, celui des Ponts et Chaussées, celui du Jardin du Roi, et les Présidents annuels de l'Académie des Sciences et de la Société royale de médecine (2).

Le Gouvernement goûta ce projet qui lui permettait de mieux circonscrire les travaux des Sociétés d'agriculture et de leur interdire le domaine des réformes politiques, financières et sociales qu'elles étaient toujours portées à envahir, puisque l'amélioration et le progrès de l'agriculture y étaient attachés et que tel

(1) On trouve le nom de Dupont écrit du Pont dans certains actes et Dupont, dans d'autres, on ne faisait pas attention à l'orthographe des noms. (2) Archives Nationales, H. 1511. Ce projet fut probablement rédigé. ou inspiré par Du Pont (de Nemours), car on y trouve le même esprit de dénigrement contre les Sociétés, déjà constituées et surtout contre la Société de Paris qui se manifeste dans tous les actes de Du Pont. On peut remarquer, en outre, que Broussonet est remplacé par Quatremère-Disjonval et que Bertier est accepté comme Intendant des écoles vétérinaires mais non plus comme Intendant de la Généralité de Paris.

était le but de leur institution, suivant le préambule même de l'ordonnance du 1er mars 1761.

Le rapport suivant fut donc présenté au roi à l'appui de lettres patentes qui furent signées le 3 septembre 1784 :

Les Sociétés d'agriculture établies sous le dernier règne n'ont pas conservé longtemps de l'activité. Formées dans quelques provinces seulement et n'ayant entre elles aucune relation, leurs travaux ont dû dépendre du plus ou moins de faveur que leur accordaient messieurs les Intendants. Souvent, tel administrateur n'a point apporté à leur existence le même intérêt que l'administrateur qui l'avait précédé. D'ailleurs, on n'avait point donné à l'institution de ces Sociétés assez d'aliments pour ainsi dire. Leurs travaux restreints à l'agriculture auraient dû embrasser tout ce qui tient à l'économie rurale. Il n'y a donc plus à s'étonner, si ces Sociétés, dont on avait espéré et dû attendre, en effet, des avantages réels, sont tombées insensiblement dans un état de langueur et d'inaction.

Pour ranimer sur ces objets intéressants le zèle des bons citoyens, il est un moyen sûr et facile que M. le Contrôleur général des Finances a l'honneur de soumettre à Sa Majesté : c'est l'établissement d'une Société générale d'agriculture et d'économie rurale dont les travaux s'étendront sur tout le royaume, avec laquelle correspondront les différentes Sociétés particulières, et qui, devenant ainsi le centre commun de toutes les découvertes utiles et nouvelles méthodes proposées, pourra les discuter, les approfondir, les constater, et enfin les répandre partout où il sera nécessaire de les faire connaître. Cette Société tiendra ses séances au Louvre, sera composée de vingt associés-nés, qui seront les Ministres de Votre Majesté et autres personnes chargées de départements ayant des rapports avec l'économie rurale, et de trente associés ordinaires choisis parmi les grands seigneurs, les riches propriétaires, les chefs d'ordres religieux, les savants et les agriculteurs.

Une somme de vingt-quatre mille livres sera suffisante pour les frais du secrétariat, les prix à proposer, les droits de présence, etc.

Le Contrôleur général des Finances supplie Votre Majesté d'approuver que cette Société soit assignée sur le Trésor royal (1).

(1) Archives Nationales, II. 1501.

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