Page images
PDF
EPUB
[graphic][subsumed]

<«< n'a pas désespéré de la chose publique et de qui la «< nation entière ait dit : « Puisse-t-il, avec de pareilles << vues, être longtemps l'instrument du bonheur de «< l'État et du prince. » Et Broussonet ajouta : « Je re«< viens à mon sujet sans m'en être écarté. » Broussonet se trompe, il ne devait pas quitter Buffon qu'il allait louer dignement quelques instants après par un mot heureux : « Buffon a été l'homme de son siècle, il sera l'homme de la postérité ». Il est vrai que Necker venait de régler les affaires de la Société, et qu'en finance comme en politique, Broussonet allait devenir son homme après avoir été son admirateur.

Il ne semblait pas que l'éloge de Schubart pût fournir encore quelque trait digne de plaire à M. et Mme Necker.

Schubart avait conquis, en Saxe et dans toute l'Allemagne, une popularité légitime, en plaidant la cause de la culture du trèfle pour effectuer la suppression des jachères; en France Lavoisier l'avait suivi.

[ocr errors]

Schubart, dit Broussonet, décidé à se retirer aux champs, remplaça les plaisirs qu'il laissait à la ville et se maria. S'il eût vécu de nos jours, et qu'il eût, <<< dans le moment actuel, porté ses regards vers le «< ministère, il se fût écrié avec le peuple français : « La <«<femme est bien partout où il y a des heureux à faire «<et des malheureux à soulager, » et en imprimant son discours, il a mis en marge, pour qu'on n'en douta point, «Mme Necker ».

Mme Necker dut se montrer très satisfaite de Broussonet, qu'en femme d'esprit et en habile épouse elle appréciait à sa juste valeur, mais elle étendit même sa bienveillante protection sur la Société d'Agriculture. Tout le monde savait qu'elle avait pour Buffon et Buffon

pour elle une admiration et une passion particulière; mais ce qui est vraiment piquant, et nous le répétons, c'est qu'en 1789 elle devait soumettre à la Société un procédé pour faire du pain et que la Société renvoya l'examen de son procédé à la Commission qui s'occupait de la boulangerie.

Le procès-verbal de la séance du 28 décembre 1788 constate expressément que c'est Necker lui-même qui donna les prix aux lauréats et cela était de toute justice puisqu'il avait fourni les fonds.

Parmi ces lauréats furent appelés sur l'estrade : Yvart, cultivateur à la ferme de Maisonville pour son Mémoire sur les végétaux dont on peut retirer des fils; des médailles d'or à Durand, maître-serrurier, à Paris, qui devint membre de la Société, pour une charrue perfectionnée; à Mme Chartier, fermière au Tremblay, pour les bons exemples de vertu, de travail, qu'en économie rurale, elle donna à ses quinze enfants; au baron de la Tour d'Aigues, président au Parlement d'Aix, pour son introduction, en Provence, de moutons à laine superfine et ses nombreuses expériences; à Céré, intendant du jardin du roi à l'Ile de France, pour ses succès dans l'acclimatation des plantes.

Lorsqu'on en vint à l'annonce des prix proposés pour les années suivantes, le procureur du roi et de la ville de Paris annonça que trois prix seraient décernés au nom du bureau de la Ville à des questions qui touchaient à l'aménagement des forêts et à l'industrie du chauffage. Il paraît qu'il faisait bien froid à Paris pendant l'hiver de 1788-1789.

Cette séance se termina par la lecture de deux Mémoires dont les illustres auteurs ajoutaient un

nouvel éclat au succès de Necker et de Broussonet.

Lavoisier rendit compte de l'exploitation d'une terre qu'il faisait valoir lui-même aux environs de Blois et Parmentier disserta sur les avantages de cultiver en grand les racines potagères. « C'est à la Société, dit-il, de faire sentir aux habitants des campagnes que leur propre utilité, le bonheur de la patrie, la conservation des hommes, la multiplication des bestiaux sont intéressés à la culture en grand des racines potagères. »

La séance du 28 décembre 1788 fut la dernière tenue par la Société à l'Hôtel de Ville; la révolution de juillet 1789 devait l'en chasser.

Huit jours après, Necker payait les dettes de l'administration de Bertier de Sauvigny; officiellement il écrivait au marquis de Bullion, président de la Société, que le roi avait décidé de compter, à partir du 1er octobre 1789, un fonds de 12,000 livres pour le service des prix et des médailles décernés dans les séances publiques.

L'apothéose de Necker ne dura qu'un an.

Rappelons qu'en cette année, le 10 avril 1788, la Société nomma Cretté de Palluel, déjà correspondant, comme associé ordinaire à la place de Gerbier. Le 8 mai, Boncerf, inspecteur général des apanages du comte d'Artois, passa dans les associés ordinaires avec Rougier de la Bergerie et le marquis de Gouffier.

Parmi les correspondants qui allaient prendre une place distinguée dans l'histoire de la Société, il faut noter, à la date du 13 mars, Gallot de Lormerie, Guerrier de Lormoy, Varenne de Fenille, Delporte, le baron de Poëderlé et, le 8 mai, Cliquot de Blervache.

« PreviousContinue »