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République les dettes passives de ces établissements sont déclarées dettes nationales; les créanciers remettront leurs titres originaux, savoir:

« Ceux de la dette viagère, à la Trésorerie nationale; « Et ceux de la dette constituée exigibles au Directeur général de la liquidation;

« D'ici au 1er nivôse de l'an III (20 décembre 1794); et faute de les remettre dans ce délai, ils sont dès à présent déchus de toute répétition envers la République;

<< L'actif sera administré et le passif liquidé conformément aux dispositions de la loi du 23 messidor dernier. >>

Lefebvre constate ainsi, dans son compte rendu, la ruine de la Société.

<«< Dans le moment où je publie ce compte rendu. c'est-à-dire dans le courant du mois de vendémiaire an III, cet actif se trouve réduit au produit que l'on pourrait retirer de la vente des trimestres : 1o parce que la somme de 8704 livres, 6 sols, 10 deniers qui forment l'excédent de la recette est en assignats, qui n'ont plus de valeur aujourd'hui. Res perit domino; parce que la dette de la municipalité devient nulle par les circonstances; enfin parce que les 1 200 francs dus, pour l'année 1793, de la rente Raynal ne seront pas payés et que les 25 000 francs, qui sont le capital de cette rente, ne seront pas remboursés. Je suis dispensé d'en donner les raisons. >>

L'application des lois du 8 août 1793 et du 6 thermidor an II, à la Société était illégale, ainsi que le prétendait avec raison Lefebvre, car si les arguments tirés de ce fait que la Société n'aurait été ni patentée,

ni dotée, étaient discutables, d'autres motifs plus péremptoires permettaient d'affirmer qu'il n'était pas dans l'intention du législateur de comprendre la Compagnie dans la suppression.

En effet, en exécution du décret du 8 août 1793, les scellés furent immédiatement apposés sur tous les papiers et les effets qui appartenaient aux sociétés savantes que le législateur avait voulu atteindre; mais cette formalité, qui fut remplie par les agents de la Convention, ne fut point observée à l'égard de la Société d'Agriculture de Paris : d'où il faut conclure que les membres de la Convention et le ministre de l'Intérieur chargés de l'exécution du décret étaient convaincus que cet acte n'atteignait point la Compagnie.

Abeille, Parmentier, Valmont de Bomare, Flandrin, Boncerf et Grégoire approuvèrent les réflexions et les comptes de Lefebvre, sous la réserve de quelques observations de détail. La rédaction définitive fut arrêtée dans le courant de vendémiaire an II (septembre et octobre 1794). Des copies en furent remises quelques mois après à Rougier de la Bergerie et à Dubois, alors chargés de la direction de la Commission de l'agriculture et des arts. Ce compte rendu, de tous points excellent, fut publié en l'an VII, au moment de la réorganisation de la Société en 1797 (1).

Quelques mots sur la Feuille du Cultivateur compléteront le résumé de l'excellent compte rendu de Le

(1) Compte rendu à la Société d'Agriculture de Paris, de ses travaux faits, commencés et projetés depuis le 30 mai 1788, jusques et compris le 30 septembre 1793, an III de la République Française, et de l'emploi des fonds qui ont été mis à sa disposition pendant cet espace de temps. Par J.-L. Lefebvre, son agent général par intérim et l'un des rédacteurs de la Feuille du Cultivateur.

febvre. Tandis que le défaut de ressources supprimait la publication des Mémoires de la Société, la Feuille du Cultivateur, sous la direction de Dubois, de Broussonet et de Lefebvre, entreprenait courageusement la tâche de répandre dans le public les meilleures notions de l'art agricole. Si chaque feuille porte la signature de Dubois, de Broussonet et de Lefebvre, les noms les plus autorisés de la Société se trouvaient groupés successivement dans cette intéressante publication qui semblait être l'annexe des publications de la Société elle-même.

La Feuille d'Agriculture et d'économie rurale, qui avait été d'abord un supplément du Journal général de France, parut, pour la première fois, le 12 mai 1790. Le 6 octobre, le journal, reconstitué par Dubois de Jancigny, parut avec un nouveau nom : La Feuille du Cultivateur. Non seulement ce journal devint l'écho des praticiens et des cultivateurs français, mais il trouva des collaborateurs dans les savants étrangers.

Après la loi du 8 août 1793, jusqu'à la fin de l'année, la Feuille du Cultivateur conserva la signature de Dubois, de Broussonet et de Lefebvre toujours qualifiés de membres de la Société; mais cette mention disparut avec l'année 1793 et un article signé de Rougier de la Bergerie constate très nettement que, dans l'esprit de quelques membres, la Société d'Agriculture n'existait plus. Rougier de la Bergerie signe «< associé ordinaire de la ci-devant Société d'Agriculture »; Cadet de Vaux également.

Pendant les six mois qui s'écoulèrent, entre le mois d'août 1792 et le mois d'avril 1793, c'est-à-dire pendant l'interruption officielle des séances et des communica

428 HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE.

tions de la Société, la Feuille du Cultivateur prit sa place pour suppléer à ses publications et tenir en haleine l'activité de ses membres. C'est ainsi que dans ce recueil paraissent successivement le rapport sur les étangs marécageux fait au nom du Comité d'Agriculture (11 septembre 1792); le rapport de Rougier de la Bergerie sur l'amélioration des laines; une belle notice de Tessier sur les carottes en grand (janvier 1793); le rapport présenté par Creuzé la Touche, au nom des députés de la Convention réunis pour présenter leurs idées en faveur de la liberté du commerce des grains (8 décembre 1792); un Mémoire de Dubois sur le système à suivre pour l'amélioration d'une propriété rurale; un important Mémoire de Gilbert intitulé: Coup d'œil agronomique sur les contrées qui formaient la ci-devant généralité de Paris; une notice de Cadet de Vaux sur les usages économiques de la pomme de terre; des communications de Gilbert sur la culture et les qualités de la luzerne, du sainfoin, du trèfle et des plantes employées jusqu'ici en prairies artificielles. La Société vivait encore dans la Feuille du Cultivateur.

Dubois de Jancigny avait été nommé membre de l'agence végétale. Le Comité de la Convention donna la préférence à son journal lorsqu'on eut décidé de remplacer l'action de la Société d'Agriculture par celle d'une publication indépendante. La Feuille du Cultivateur continua son utile carrière jusqu'à la réorganisation de la Société dont elle fut l'organe pendant plusieurs mois.

CHAPITRE XII

DISSOLUTION DE LA SOCIÉTÉ.

DE LA TERREUR

LES VICTIMES

Il ne nous reste plus qu'à suivre, dans les péripéties de leur existence, les membres de la Société d'Agriculture, dispersés non pas seulement par la loi du 8 août, mais par les événements qui, sous le régime de la Terreur ou plutôt sous le régime de la Convention, suspendirent leurs travaux ou mirent fin à leur existence.

Jetons sur eux un dernier regard d'espérance ou disons-leur un éternel adieu.

On trouve, dans l'Almanach de 1793, la liste des membres de la Société; mais elle correspond à la composition de la Société en 1792 et c'est après la séance du 30 septembre 1793 que nous devons chercher à rétablir la liste exacte de ses membres.

Broussonet a droit à nos premières pensées. Avec Cuvier nous le suivrons dans les épreuves que lui feront subir la révolution du 31 Mai et la chute des Girondins. Quand l'Assemblée législative prit. fin, il s'était retiré à sa campagne auprès de Montpellier; mais le moment était venu où il ne devait plus y avoir de repos pour quiconque avait touché aux affaires publiques.

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