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ler peut-être que d'un soulagement à la douleur, et c'est une idée aussi vieille que l'humanité, ou du moins que la littérature, puisqu'on la trouve dans Homère. La Marianne de Marivaux ne pleure guère qu'à bon escient. Cependant il est constant que Prévost et Marivaux sont les deux premiers romanciers européens de quelque importance dont les personnages aient fréquemment la larme à l'œil. Indépendamment d'eux et beaucoup plus nettement qu'eux, Richardson ouvre les écluses des larmes que fait jaillir une «douce sensibilité». Et cela va en augmentant: on pleure plus dans Clarissa que dans Pamela, et dans Grandison que dans Clarissa. A chaque instant, le moindre mot s'accompagne d'une larme: «with a tear». Grandison essuie les larmes d'Harriet Byron et baise le mouchoir. On pleure moins d'amour que de générosité, de recon= naissance, de pitié, de joie même. Le David Simple de Sarah Fielding (1742) pleure souvent, et même d'émotion aux malheurs des autres. Dans les Lettres de Felicia à Charlotte de Mary Collier (1744 et 1749), le phénomène est beaucoup plus accentué 1. On y pleure beaucoup de pure sensibilité, surtout Lucius, le héros. Sans doute c'est souvent la larme à l'œil, «a starting tear»; c'est plus distingué, et aussi plus émouvant, car on devine que le héros essaie de lutter et de ne pas se laisser aller. Mais d'autres fois ses larmes coulent à flots: larmes de désespoir, d'émotion (quand celle qu'il aime s'évanouit), de reconnaissance (quand on lui accorde sa main). Ce roman est probablement le premier en Europe qui soit larmoyant à ce point. Mais la sensibilité y est encore le plus sou vent personnelle. De même dans La Nouvelle Héloïse, dans Werther, les larmes sont délicieuses, enivrantes; mais elles sont provoquées en général par une vive émotion personnelle, non par une sensibilité altruiste débordante. De même dans Tréogate, toujours plus frénétique: «Si je mourais, je ne pleurerais plus, et c'est un plaisir de pleurer» (1779). Mais d'Arnaud prône quelque chose d'assez différent: «le charme que l'on trouve à répandre des pleurs que le sentiment fait couler» (1773); le sentiment, c'est ici la sensibilité altruiste, le dilettantisme de l'émotion. Et en effet on pleure beaucoup dans ses Epreuves du Sentiment (1764— 1780), et à tout propos. Déjà dans The Fool of Quality de

'Helen Sard Hughes, An early romantic novel (Journal of English and Germanic philology, XV, oct. 1916).

Henry Brooke (1766), Irlandais comme Sterne, le héros est sensible et pleure à tous les spectacles qui l'émeuvent. Les agents de la force publique chargés de conduire une femme en prison versent «une larme de compassion silencieuse». Mais c'est surtout Sterne qui a été le promoteur des larmes désintéressées, et c'est une des nouveautés qu'il a introduites dans la littérature.

On sait que Sterne, Irlandais par sa mère, offrait dans ses allures un vif contraste avec l' Anglais traditionnel: nerveux, impressionnable, d'une conduite notoirement dissipée, expansif, démonstratif, aimant à se mettre en scène sans discrétion; au demeurant assez malin. A Paris, il se donne en spectacle en étalant sa sensibilité: il s'agenouille devant la statue de Henri IV; il embrasse Mme Geoffrin parce qu'elle a rendu sa vache à une paysanne; il rend la liberté à une mouche avec force attendrissement. Garat disait de lui: «Il donne une fête aux coeurs tendres.» Comme écrivain, il professe un culte pour la sensibilité, cette faculté précieuse qui lui permet de ressentir à chaque instant des émotions qui lui font plaisir et dont il se sait gré. Il s'attendrit surtout dans le Voyage Sentimental, et il s'attendrit avec complaisance et presque de propos délibéré; c'est cela qui était nouveau. Déjà dans Trist ram Shandy l'histoire de Le Fèvre, puis dans le Voyage la jolie fille de chambre à Paris, l'âne mort de Nampont et l'âne vivant et résigné de Lyon, surtout la pauvre Marie des environs de Moulins, déjà esquissée dans Tristram, tout lui est occasion à répandre de ces douces larmes par lesquelles se trahit une âme de choix. Son influence à cet égard se fait sentir dans la vie et dans la littérature. On imite volontiers Yorick et sa sensibilité larmoyante. Mais sur tout il fait des disciples littéraires. Le principal est sans doute Henry Mackenzie, bien qu'il ait affirmé que son premier roman ne devait rien à Sterne. Dans ce roman, The Man of Feeling (1771), on pleure à tout propos. L'éditeur de la réimpression qu'a donnée la maison Cassell (1886) a dressé la liste des passages où coulent des larmes. Il en trouve 47 en 195 petites pages. Ce chiffre est un peu excessif, car les mêmes larmes sont comptées deux fois, et ailleurs elles sont prêtes à couler mais ne coulent pas. Néanmoins ce court roman est sans doute le plus larmoyant qu'on ait jamais écrit. Ce sont le plus souvent des larmes de pitié, de tendresse, de reconnaissance, d'émotion désintéressée. Une larme est <a cordial drop»; on en répand en écoutant une histoire touchante;

elles accompagnent une bénédiction; même elles sont bénies à leur tour quand elles attestent la compassion. «Elle essuyait ses larmes d'un baiser à mesure qu'elles coulaient, et pleurait entre chaque baiser.» Tout le roman est écrit de ce ton. Dans Julia de Rou bigné aussi (1777) les personnages s'interrompent pour se laisser aller à leur émotion.

Avant même Sterne ou hors de son influence, on pleurait abondamment dans les romans allemands. L'amitié, l'amour, la sympathie, la pitié, l'admiration de la nature, l'adoration religieuse, tout est occasion à verser des larmes. Celles-ci ont, notamment dans Werther, Sieg wart et les romans de ce groupe, un riche cortège d'épithètes: elles sont muettes, reconnaissantes, saintes, innocentes, rafraîchissantes, délicieuses, amères, épaisses, brûlantes; elles sont de défaillance et même de sang. Le second type européen de roman larmoyant est Sieg wart, eine Klostergeschichte, de Martin Miller (1776). Xaver Siegwart possède une âme sensible. Tout enfant il va s'étendre près de la fontaine rustique, et pleure sans raison précise. Il accompagne dans ses tournées un capucin; il est béni de tous; il pleure de sympathie. En faisant sa partie de concert avec Marianne Fischer, il pleure en la regardant. Quand elle s'est cachée dans un couvent, en la cherchant sans succès il pleure à toutes les heures du jour. Son ami Kronhelm est atteint de la même incontinence lacry male: en lisant Klopstock avec Thérèse Siegwart, en l'aidant à arroser ses salades, il la regarde avec des yeux pleins de larmes. Quand le père Kronhelm interdit la correspondance, le jeune homme pleure nuit et jour. L'auteur estime que le don des larmes est le plus bel apanage de l'homme. «Ma bien-aimée doit savoir pleurer, elle doit aimer les larmes. Les larmes de la joie et de la tendresse mélancolique sont pour moi ce qu'il y a de plus délicieux dans la nature.>> On voit qu'il s'agit bien ici de pleurer de sensibilité, non de douleur. On pleure beaucoup aussi dans les nombreux romans qu'enfanta le succès parallèle de Werther et de Sieg wart. Chose curieuse : le second roman de Sophie La Roche, l'auteur applaudi de Mademoiselle de Sternheim, ses Lettres de Rosalie à Mariane, écrites de 1772 à 1775, quoique composées en grande partie pour réagir contre l'influence amollissante des romans sentimentaux de l'époque, sont remplies de scènes de larmes. On y pleure sans dou leur ni chagrin, de tendresse, de sympathie, de pure sensibilité. Les

«Je

larmes elles-mêmes, non le fait de pleurer et les éléments psychiques qui en sont la cause, mais les gouttelettes salées qui coulent des yeux, sont l'objet d'un culte fétichiste. On les essuie, on baise le mouchoir, et même «les mains, le mouchoir et les larmes». pris mon mouchoir, essuyai sa joue et celle de mon mari, le repliai et dis: Je conserverai les larmes réunies de vos cœurs». Et ailleurs: «Mes larmes coulaient doucement, mais en abondance, sur mes joues et de là sur mon tablier de taffetas noir. Il pleurait aussi, et ses larmes se mêlaient aux miennes. Il le remarqua, m'entoura d'un de ses bras et me serra avec un soupir contre sa poitrine. - Sophie, dit-il, nos larmes s'unissent: vois! - Il se redressa et me montra une goutte qui de mon visage avait coulé sur un pli de mon tablier, et de là se réunissait à une autre qui était tombée de son œil. Il tremblait d'émotion . . .» Il la supplie de lui faire cadeau de son tablier. «Avec extase il le baisa aux endroits où il pensait qu'il avait été mouillé de mes larmes, et l'ayant roulé en boule, il le mit dans sa poitrine en disant: - Vos larmes! les miennes !>>

1

Bien entendu, la sentimentalité excessive et passablement ridicule qui règne dans les deux romans hollandais de Feith, Julia (1783) et Ferdinand et Constantia (1785), inspirés de Werther, de Siegwart, et surtout de d'Arnaud, comme M. Inklaar l'a récemment démontré, ne va pas sans de nombreuses larmes. Comme dans Sterne, on y pleure d'attendrissement sur soimême, lorsqu'on a fait une bonne action: ainsi Julia, quand elle arrive en retard au rendez-vous parce qu'elle a aidé un bon vieillard à porter son fardeau. Par contre, cette veine larmoyante n'a pas la même importance dans les romans, où la sensibilité est plus passionnée et même frénétique, de Loaisel de Tréogate, dans les études psychologiques et morales de Jacobi, dans le rêve voluptueux et païen de Heinse. Puis viennent les romans de la fin du siècle, qui sont en général plus mélancoliques, sombres ou passionnés que larmoyants. La mode du roman larmoyant semble avoir régné surtout de 1740 à 1790, et seulement dans certain genre de roman sensible.

1 Derk Inklaar, François-Thomas de Baculard d'Arnaud; ses im itateurs en Hollande et dans d'autres pays, La Haye et Paris, 1925. Paul Van Tieghem.

NÅGRA RANDANMÄRKNINGAR

TILL STRINDBERGS FADREN.

id läsningen av det Strindbergsdrama, som Oscar Levertin kallat «diktarens kanske yppersta arbete och säkert svenska litteraturens främsta drama», ligger önskan frestande nära till hands att söka finna den bakgrund, mot vilken verket är att se samt dess ställning i författarens produktion och i svensk dramatik.

Ett dylikt försök har emellertid sina faror. August Strindberg som författare är så mångsidig och har så många järn samtidigt i elden, att han mer än de flesta andra författare förbryllar och lockar till uppkonstruering, när man söker få fram ett tydligt sammanhang mellan arbeten gjorda med något års mellanrum. Så har exempelvis den stämning, som tagit sig uttryck i En dåres försvarstal, skriven september 1887–1888, fått tjäna som hjälp vid bedömandet av Fadren skriven i februari 1887. Dylikt är ägnat att förrycka sammanhanget mellan dikt och verklighet. Det sjukliga sinnestillstånd, som Strindberg denna tid genomgår, når i början av 1888 sin höjdpunkt och gör, att de händelser som ett halft år tidigare fått sitt dikteriska utlopp i Fadren, nu synas författaren i ett helt annat och betydligt grellare ljus. Replikerna i Fadren sammanfalla till stor del med dem i En dåres försvarstal. Det är sannolikt, att denna likhet beror på att Fadren och En dåres försvarstal ha en gemensam inspirationskälla. De beteckna olika grader i en och samma process. En dåres försvarstal är en vidare-inspiration av Fadren jämte nya upplevelser i och utom äktenskapet.

Utom den gemensamma inspirationskällan finnes här alltså en sammanblandning mellan dikt och Strindbergsk verklighet. Det direkta sambandet mellan verken är mer dikteriskt än reellt och ut

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