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ses forêts étoient remplies, il me répondit, avec l'expression du plus profond regret, qu'il savoit parfaitement que partout ailleurs on sauroit mettre à profit ces arbres, mais que ses compatriotes étoient des ignorants, et ne savoient où trouver des débouchés aux productions de leur pays.

Avant de partir, il nous présenta sa fille : elle étoit extrêmement jolie. Son costume et celui de sa mère consistoient en une robe d'indienne rayée rouge et jaune, sur laquelle elles en portoient une seconde ouverte, de toile de coton bleu; celle de la jeune fille étoit ornée de ganses et de petits boutons d'argent. Leur tête étoit couverte d'un bandeau et d'un voile.

L'air de ce canton élevé est très-sain. Les fièvres intermittentes y sont extrêmement rares; et,

s'il faut en croire notre hôte, on y compte plusieurs centenaires. Mais j'avoue que j'ai peu de confiance dans leurs calculs, lorsqu'ils concernent l'âge des vieillards, aucun acte public ne constatant les naissances et les décès.

La curiosité étoit chez notre hôte la passion dominante. Semblable aux insulaires de la mer du Sud, à l'instant où nous étions prêts à partir, nous le trouvâmes dans notre britchka, visitant toutes les poches, examinant tout ce qui y étoit

renfermé, et sollicitant de notre générosité quelques-uns des petits objets à notre usage. A notre départ, il monta à cheval, accompagné de quelques Mingreliens à pied, ne voulant, disoit-il, nous quitter qu'après que nous aurions traversé deux mauvais ponts que nous ne tardames pas à rencontrer. Il nous donna alors l'assurance que toutes les difficultés étoient passées, et cependant elles avoient à peine commencé.

De Khopi jusqu'à la poste de Sakharbet, on ne compte que huit werstes; nous mîmes près de huit heures à les parcourir, moins peutêtre à cause de l'état des chemins que par suite du temps affreux que nous eûmes pendant ce voyage.

Dans cette contrée, les nuages, poussés par les vents de mer, sont arrêtés par les forêts, s'y accumulent, et y occasionnent des orages qui durent, non comme en Europe, quelques heures, mais souvent deux jours de suite, presque sans interruption.

Depuis trente-six heures, ces pluies abondantes ne cessoient de tomber; et comme les eaux, descendues des montagnes avec rapidité, avoient emporté plusieurs des petits ponts qu'on trouve sur cette route, nous fumes obligés d'attendre qu'on eût pu les rétablir. Cette répa

ration fut faite par vingt-cinq Mingreliens, qui, au milieu de la pluie, travaillèrent continuellement sans se plaindre, nous prouvant ainsi qu'ils sont capables de docilité et de zèle, et que ce peuple sortiroit aisément de son état de misère et de paresse, si son travail étoit payé et encouragé. Les gratifications que j'avois accordées la veille à ceux qui m'avoient accompagné jusqu'au village de Khopi, étoient déjà connues de tous les habitants du canton, et avoient eu, pour les nouveaux secours dont j'avois besoin, beaucoup plus d'influence que toutes les réquisitions possibles.

Les forêts que nous parcourions étoient, de distance en distance, séparées par de beaux pâturages, par des vignobles et des champs de maïs, de millet et de tabac.

Cette dernière plante réussit admirablement en Mingrelie, et sa qualité équivaudroit aux premières sortes de la Virginie, si les habitants en entendoient la culture et en connoissoient la

préparation aussi bien que les Américains.

Les oliviers sauvages qu'on rencontre dans toutes les forêts de la Mingrelie, indiquent assez les succès que ne pourroit manquer d'obtenir la culture de cet arbre précieux, dont les plants pourroient se tirer de Trébizonde. Cette cul

ture enrichiroit d'autant plus les colons, que les longs carêmes des Russes occasionnent une grande consommation d'huile. On voyoit aussi dans ces forêts un assez grand nombre de noisetiers et de châtaigniers; si ces arbres étoient plus multipliés, leur produit, recherché dans toute la Russie, pourroit augmenter les articles d'expédition de Redoute-Kalé, et remplacer dans les ports de la mer Noire ces mêmes fruits qui y arrivent de la Natolie.

Sakharbet, où nous nous arrêtâmes, est un village composé d'environ deux cents maisons dispersées, et presque toutes bâties sur des pla

teaux assez élevés.

Le poste des cosaques est placé dans une vallée qui borde et domine la Siva. De l'autre côté de cette rivière, on aperçoit de très-beaux pâturages entourés et entremêlés d'arbres. Ils servent de pacage aux bestiaux et aux nombreux porcs que possèdent les paysans du village de Sakharbet. Pour y aller, ces animaux, excités par les cris de leurs gardiens, traversoient à la nage la Siva, malgré la rapidité de

son courant.

Dans toute cette contrée, les chevaux, les vaches et les porcs sont d'une petite espèce. Le porc de la Mingrelie a le poil long, noir et rude

du sanglier; sa chair passe pour légère et nour→ rissante, et, sur ce point, l'opinion du pays est encore conforme à ce qu'en a dit Chardin.

Il étoit impossible de traverser la rivière dans ce moment et nous fûmes obligés d'attendre pendant deux jours la baisse des eaux. Heureusement, le jeune officier de cosaques qui commandoit ce poste fut plein d'attentions pour nous; il nous procura les approvisionnements dont nous avions besoin, et ne nous laissa partir que lorsqu'il eut la certitude que la rivière étoit guéable, et encore voulut-il nous accompagner jusqu'à la poste suivante, celle d'Abacha.

L'air que l'on respire sur le plateau de Sakharbet est extrêmement sain, et nous remarquâmes avec plaisir qu'il ne s'y trouvoit pas un seul soldat malade. En général, la situation des postes de cosaques n'a pas été aussi bien

choisie.

Le mercredi 22 juin, nous partîmes à deux heures après midi de Sakharbet. L'officier avoit eu soin de réunir vingt Mingreliens pour nous aider dans notre route, et nous ne tardâmes pas à reconnoître la nécessité d'un tel se

cours.

Après avoir parcouru un très-beau pâturage, garni de beaucoup d'arbres, sur la droite de la

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