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d'y établir un môle, et d'y former une anse, où en toute saison les navires seroient en sûreté.

A la gauche de la forteresse, on trouve encore les restes en pierres d'un ancien canal qui servoit à mettre en sûreté, pendant l'hiver, les petits bâtiments qui appartenoient aux marchands arméniens ou turcs de cette place : elle avoit alors une navigation suivie avec Trébizonde et Constantinople.

Le fond de la baie de Soukoum-Kalé est vaseux comme à la Pitzunda, et l'ancrage y seroit très-bon, si, au lieu d'être plat, le terrain n'étoit pas incliné vers la mer. Il en résulte que, lorsque le vent de terre souffle avec violence, les ancres labourent quelquefois le fond, et les navires peuvent être entraînés vers la pleine mer. Nous en fimes nous-mêmes l'épreuve.

Nous avions eu une matinée magnifique, et le commandant de la forteresse étoit venu dîner à notre bord. A peine étions-nous à table, qu'il s'éleva un coup de vent de terre si violent, que dans quelques instants les lames montèrent à une hauteur prodigieuse, et que l'une d'elles nous couvrit d'eau.

On fut forcé de fermer aussitôt les sabords et les écoutilles; notre ancre se détacha, et nous fùmes entraînés avec une telle rapidité sur une

goëlette de la marine impériale, arrivée dans la matinée, et qui étoit mouillée un peu au-dessous de nous, que nous l'eussions infailliblement coulée bas, si le vent ne s'étoit pas calmé avec autant de promptitude qu'il s'étoit élevé.

La baie de Soukoum-Kalé est aussi convenable que celle de la Pitzunda pour y placer des chantiers de construction. Il y a à peine six ans que des Grecs Ꭹ ont construit à très-bon compte un navire de trois cents tonneaux, pour lequel ils avoient fait venir de Taganrog toutes les munitions navales, à l'exception des bois de chêne et des mâtures qu'ils trouvèrent dans le pays.

Cette position convient, au surplus, beaucoup mieux que celle de la Pitzunda, pour servir d'entrepôt de marchandises et de place de commerce. Elle est défendue par une forteresse et une garnison d'environ quatre cents hommes, et n'est qu'à cent werstes (vingt-cinq lieues) du port de Redoute-Kalé, avec lequel elle pourroit communiquer, soit par mer, soit par une route de terre qu'il seroit extrêmement facile d'établir. Cette route suivroit la côte entre SoukoumKalé et l'embouchure de la Khopi.

La dépense la plus importante de cette communication seroit la construction de quelques

ponts en bois sur les nombreuses rivières où torrents qu'on trouve entre ces deux points; deux ou trois redoutes ou forteresses garantiroient les marchands du danger de toute attaque de la part des Abazes. Ils seroient d'autant plus faciles à contenir, que la première chaîne de montagnes est assez éloignée des bords de la mer, que l'on côtoyeroit sans interruption.

La simple inspection de la côte, depuis Anapa jusqu'à Batoum, suffit pour indiquer SoukoumKalé comme la véritable position de la fameuse Dioscurias, qui portoit aussi le nom de Sébastopol.

La baie de Soukoum-Kalé étoit très-sûrement le port de relâche pour tous les vaisseaux qui arrivoient à ce fameux marché où, selon Strabon, les Romains entretenoient cent trente-quatre interprètes. Au surplus, les vestiges de fortifications et de murailles qu'on voit encore à Kelassaour, placée à cinq werstes de Soukoum, servent à confirmer cette opinion.

Les Russes ne possèdent que l'étroite enceinte de Soukoum-Kalé : hors de ses murs, il n'existe aucune sûreté. Lorsque les soldats ont besoin d'aller couper du bois, ils ne marchent que bien armés, de peur d'être enlevés par les Abazes, et cependant ces derniers arrivent tous les jours à

l'avant-poste, souvent en assez grand nombre, armés de fusils, de sabres et de quindjals (1). Ils déposent, avant d'entrer, ces témoignages de leur état d'hostilité, pour les reprendre à leur retour de la forteresse où ils viennent opérer leurs échanges.

La place de Soukoum est de forme carrée, et a été bâtie par les Turcs. Elle a quatre bastions: celui qui fait face à la mer s'est en partie écroulé.

Toutes ces constructions sont en pierres, en briques et en cailloux, liés par un mortier où la terre argileuse domine; aussi n'ont-elles pas la solidité qu'ont en général toutes les forteresses bâties par les Turcs.

La plus grande partie des murailles menace ruine. L'ancien palais du pacha, bâti en bois, étoit vaste et commode; il sera bientôt hors d'état de servir.

Il existoit encore, il y a a six ans, cent à cent cinquante maisons ou baraques hors de l'enceinte; elles formoient le bazar, et étoient occupées par des marchands grecs et arméniens: elles ont été détruites par ordre du général en

(1) Le quindjal est une espèce de poignard long d'environ quinze pouces, et large de trois pouces vers le milieu.

chef, parce qu'elles servoient de refuge aux Abazes, facilitoient leurs brigandages et l'enlèvement des soldats russes.

La population de Soukoum, qui, en 1787, étoit de trois mille âmes, est aujourd'hui réduite à une soixantaine d'Arméniens. Ils ont placé leurs boutiques dans l'intérieur de la forteresse, et n'y sont même la plupart que passagers.

Soukoum-Kalé est la principale des forteresses d'Asie, qui donne lieu aux continuelles réclamations de la Porte et de ses alliés. On assure que sa reddition eût eu lieu en même temps que celle d'Anapa et de Poti, si la Turquie avoit elle-même exécuté un article secret du dernier traité, par lequel elle s'étoit engagée à mettre la Russie en possession d'un petit port à l'entrée du détroit, pour lui servir de point de relâche indépendant pour ses bâtiments.

Les autres forteresses d'Asie dont la Porte demande la restitution, sont Anagri, au confluent de l'Ingour, abandonné aujourd'hui par les Russes, et, je pense, Redoute-Kalé, à l'entrée de la Khopi.

On ne peut s'expliquer les motifs de la persévérance avec laquelle le divan réclame de misérables bicoques séparées de ses Etats, points imperceptibles au milieu de l'immensité des

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